En Inde depuis 20 ans, Agathe Lazaro a ouvert La Maison Rose, une boutique concept qui met à l’honneur le mariage entre l’artisanat indien et la créativité européenne.
Agathe Lazaro, entrepreneuse en Inde… à 23 ans
Depuis toujours, ma mère est dans la décoration. J’ai grandi dans les brocantes de L’Isle-sur-la-Sorgue, en Provence, et j’ai appris à sélectionner les objets. En 1982, le peintre Pierre Lesieur a convaincu mes parents de faire un voyage en Inde, le premier d’une longue série. En 1988, ils nous ont emmenées, mes trois sœurs et moi, découvrir le pays. J’avais alors 18 ans.
De mon côté, j’ai suivi des études dans une école de commerce orientée à l’époque vers les pays émergents d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Mais je n’en avais pas pour autant fini avec l’Inde. Mes parents avaient acheté, à Madras, un conteneur de meubles en teck. Ça a été mon projet de fin d’études : monter une boîte pour vendre ces meubles. J’ai donc commencé sillonner les routes du sud de la France en camion, avec mon chargement que je vendais au fur et à mesure.
C’était sympa, mais j’en ai rapidement eu assez d’être toujours en déficit à cause des taxes, des impôts. Un de mes clients, à Nice m’a demandé une vente directe. J’en ai profité pour m’installer en Inde… ou est-ce l’Inde qui s’était installée en moi ?
Je suis arrivée dans une Delhi, qui n’avait rien à voir avec la ville actuelle : il y avait des vaches partout, beaucoup moins de trafic, pas de station d’essence. Les premiers feux rouges apparaissaient et, pour expliquer aux gens qu’il fallait s’arrêter, on tendait des cordes d’un côté à l’autre de l’avenue.
À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de Françaises de 23 ans qui montaient une structure. Il n’y avait pas beaucoup de Français, en général, non plus. J’ai eu la chance de rencontrer et de travailler avec des personnalités exceptionnelles comme Rajeev Sethi, Francis Wacziarg, Catherine Lévy et Irène Silvagni.
Je me suis rendue dans toutes les foires d’artisanat, pour trouver les artisans dont le travail me plairait et qui auraient l’envie et le culot de se lancer avec moi. J’ai commencé avec le mobilier, puis est venue la décoration et les vêtements.
Aujourd’hui, j’ai quitté Delhi et je suis installée à Pondichéry, où j’ai lancé La Maison Rose un concept store, où l’on trouve aussi bien du mobilier chiné dans toute l’Inde, que mes propres productions en design et en décoration.
Je serai incapable de travailler en France
Il existe ici une espèce de système D qui permet de résoudre la plupart des problèmes. Le cadre du travail est très paternaliste : je suis là pour mes employés, ils sont là pour moi en cas de besoin. S’est créée une interdépendance. Bien sûr, je suis toujours une étrangère, mais lorsque j’ai une inondation, je sais que je peux les appeler au milieu de la nuit. Ils ont vu 15 ans de ma vie. Ils m’ont vue célibataire, mariée, trois fois enceinte. Ce genre de relations est impossible en Occident, et je ne suis pas sûre que je pourrais m’en passer.
On marche à l’affectif plus qu’à la réussite professionnelle. Paradoxalement, ce n’est pas facile de fidéliser les employés. Les départs sans explications du jour au lendemain sont courants. En 20 ans, je ne sais toujours pas pourquoi certains sont restés et d’autres sont partis. L’émotion et l’humour, c’est ce qui marche le mieux ici, notamment pour résoudre les situations conflictuelles.
Toujours un événement exceptionnel en cours
Travailler en Inde, c’est crevant, il y a quotidiennement des situations exceptionnelles auxquelles il faut faire face.
Une fois, j’ai cumulé les problèmes avec mes producteurs. L’un s’est fait voler une grosse partie de son capital. Le père d’un autre est décédé et la production a été totalement arrêtée. J’ai dû changer de fournisseurs, mais dans ce cas, il faut bien compter 4 ans pour établir des relations de confiance. C’est comme ça que 80 % de mon catalogue pour l’exportation a été gelée.
Cet été, j’ai passé six semaines en Thaïlande. Ça a été très efficace, mais dans ce pays, je n’y ressens pas autant d’émotions, contrairement à l’Inde.
On reste des étrangers, on ne sera jamais pareil
Depuis la crise, beaucoup de Français sont venus pour changer de vie, monter une entreprise. Certes, en tant qu’étranger, on inspire confiance, surtout comme clients, mais c’est surtout une aventure laborieuse, jalonnée d’apprentissages. Combien de fois, dans les services d’immigration, ai-je entendu que j’étais étrangère ou que je prenais le boulot des Indiens ?
Les Français en Inde doivent s’adapter, lâcher prise et ne pas chercher à tout changer. Si on commence à se bloquer sur des principes, on n’arrivera à rien. Finalement, c’est comme la circulation : si on suit les règles de sécurité, c’est foutu, il faut toujours suivre le mouvement…
(4 commentaires)
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vous avez développé ce concept de MAISON ROSE avec Mademoiselle Géraldine HUMEAU. Avez-vous oublié ? Que devient Géraldine, créatrice, quand même du concept ?
Merci de rectifier cet oubli
Author
Merci pour votre commentaire et votre précision. Comme vous avez pu le constater, l’article porte sur l’expérience d’Agathe comme entrepreneuse en Inde et non pas uniquement sur la Maison Rose, ce qui explique que Madame Humeau n’ait pas été mentionnée, d’autant plus que l’article a été rédigé à partir d’une interview assez rapide. Cependant, Géraldine Humeau est bien présente sur le site de la Maison Rose (http://www.lamaisonrosepondi.com/#!team/c1c9t). bonne journée.
Bonjour, je me suis promenée dans votre boutique et j’ai fait quelques achats. Je vis en France où pourrais je acheter en ligne vos superbes vetements ? Merci de votre réponse. Agnès beaudemont-dubus