Présente en Inde depuis 2007, Alternative India, cabinet de management de projets industriels, a acquis une expérience unique du pays. Les opportunités offertes par un immense marché ont poussé Gaspard de Bordas, son cofondateur à se lancer là-bas, sans bien connaître le pays au départ. Un pari qui semble réussi.
Le choix de l’Inde
Contrairement aux entrepreneurs tombés amoureux du pays, Gaspard de Bordas n’était pas particulièrement attiré par l’Inde. « J’y avais été une fois, pour un voyage touristique il y a 20 ans, mais je ne savais pas si je pourrai y vivre. » L’attrait du marché a eu raison de ses hésitations. Et c’est ainsi qu’est né son cabinet, Alternative India.
Aider les entreprises industrielles à s’implanter
Une fois créée en Inde depuis la France – ce qui ne va pas sans poser de problèmes : « Nous devions sans arrêt fournir des papiers que nous ne pouvions pas obtenir auprès du consulat d’Inde à Paris » –, Gaspard s’installe à Pune, ville fleuron de l’industrie, située à 150 km de Bombay.
L’objectif : proposer aux sociétés une large gamme de services allant de l’ingénierie au développement commercial, en passant par le sourcing, la veille stratégique, etc. Depuis peu, Alternative India propose également des services en gestion financière et administrative, qui représentent aujourd’hui la majeure partie de son activité.
Le cœur de cible d’Alternative India : les industries lourdes (cimenterie, pétrochimie, industrie pétrolière et gazière et récemment, la santé). Les clients ne sont pas d’énormes multinationales mais plutôt de gros groupes familiaux.
Lâchés par ses clients
Au départ, Gaspard et ses associés de l’époque sont partis avec quelques dossiers pour le compte de potentiels clients, « intéressés par l’Inde, mais sans savoir pourquoi ». D’hésitations en doutes, ces derniers renoncent, en dépit du travail fourni par les associés et les espoirs de contrats pour Alternative India s’évanouissent.
« Honnêtement on se jetait à l’eau, se rappelle Gaspard. J’avais peu de contacts sur place. Mais ils se sont révélés de très bons contacts. » Ce sont eux qui vont apporter à Alternative India ses premiers vrais clients : « Ils rencontraient sur place des problèmes qu’on a réussi à résoudre. » Le travail effectué auparavant trouve alors toute son utilité « On a pu leur apporter les solutions trouvées pour d’autres.»
Alternative India ou l’expérience de l’Inde industrielle
Pourquoi aller en Inde
Gaspard ne regrette finalement pas d’avoir choisi l’Inde. « Le plus gros risque pour une entreprise, c’est vouloir rester en France en essayant de trouver des parts de marchés qui n’existent plus. Aujourd’hui, il faut des marchés alternatifs. L’Inde est un gros potentiel. Sur 1,2 milliard d’habitants, il y en a forcément qui seront intéressés par les produits de nos clients. Je me suis rendu en Birmanie où je voulais ouvrir un bureau. C’est un pays où tout reste à faire mais il n’y a que 50 millions d’habitants… Y-a-t-il un intérêt à s’y implanter localement ? En Inde, on ne se pose même plus la question. »
Un pays où rien n’est facile
Alternative India met cependant ses clients en garde. Si l’Inde est un marché incontournable, pas question de foncer tête baissée. Les investissements de départ sont importants, les marges basses, et les process longs, très longs parfois. Les standards de qualité sont largement différents et les infrastructures laissent souvent à désirer.
Des infrastructures à vérifier
Mais le tableau n’est pas si noir, selon Alternative India : « On peut trouver des usines très correctes. Bien sûr, mieux vaut prévoir des générateurs et procéder à de nombreuses vérifications. » D’ailleurs, les apparences peuvent être trompeuses : ce qui paraît bien au premier abord, peut poser « des problèmes de réglementation, de mafia, de corruption. Il y a toujours des histoires rocambolesques de violences, d’accès bloqués aux usines… Il faut faire attention à l’endroit où on s’implante. Si on est le seul, c’est qu’il y a une raison : personne ne veut s’y installer. »
Savoir éviter le turn over
Autre défi des industriels : le turn over, particulièrement courant en Inde. « Il faut trouver le juste milieu en qualité de vie, les avantages en nature et en salaire. Il ne faut pas essayer de payer moins que les sociétés indiennes… Les Indiens peuvent être fidélisés, mais c’est un challenge. Les employés partent souvent pour des raisons salariales, mais c’est aussi une bonne raison pour les faire rester. Il suffit de prévoir des augmentations de salaires chaque année. L’inflation étant de 10 %, on ne peut pas donner moins de 10-15 % aux employés. »
C’est d’autant plus faisable qu’il n’existe pas de charges patronales et que les niveaux de salaire restent inférieurs aux salaires européens.
Forts de ces bons conseils, les clients d’Alternative India ont observé que leur niveau de turn over reste finalement assez faible.
Recruter les bonnes personnes
Encore faut-il avoir recruté les bons profils. Alternative India en fait régulièrement l’expérience. « On dit toujours qu’il y a plein d’ingénieurs en Inde. Ce n’est pas vrai. Beaucoup ont un bachelor of engineering, l’équivalent d’un DEUG très théorique, pas pratique. Ils ne sont pas prêts à rentrer dans le monde du travail. » Le conseil d’Alternative India : « Former en interne. C’est ce que font nos clients qui n’hésitent pas à envoyer les employés en formation en Angleterre, en France, en Malaisie dans leurs usines. »
La situation cependant s’améliore : « Il y a 8 ans, on disait qu’il fallait 4 Indiens pour un niveau équivalent à celui d’un étranger. Or quand on forme bien, aujourd’hui, on arrive à un rapport de 1,2 ou 1,5 pour un. »
Des cultures de travail… très différentes
Mais il ne faut pas rejeter toute la responsabilité sur les Indiens. Certes avec ces derniers, « rien n’avance jamais comme prévu, il faut toujours tout renégocier. Sans compter qu’il faut se battre comme un fou pour les paiements ».
Le processus de décision à la française ne facilite pas non plus les choses. Alternative India en sait quelque chose. « Il nous arrive de recevoir des demandes spécifiques. Mais quand on revient vers le client avec un produit correspondant au cahier des charges, celui-ci finalement se met à réfléchir et refuse la solution proposée. »
C’est pourquoi Alternative India met en garde ses clients, notamment si ceux-ci sont tentés par une joint venture. Pour Gaspard, ce n’est pas la solution : « Il faut être contraint et forcé à une joint venture. C’est un mariage entre deux cultures. Un mariage avec une culture commune a déjà du mal à tenir. En transculturel, ça fait encore plus de dégâts. »
Des résultats positifs
En dépit de toutes ces mises en garde, le résultat est positif. Toutes les sociétés françaises clientes d’Alternative India vendent en Inde. Certes, « la baisse de l’euro a beaucoup aidé », remarque Gaspard. Et en dépit des craintes liées à la complexité du marché, « aucun de mes clients n’a jeté l’éponge » se réjouit le fondateur d’Alternative India.
(1 commentaire)
Bonjour
je suis à la recherche d’entrepreneur(e)s français(es) ayant tenté l’expérience indienne pour la faire partager à des groupes d’entrepreneur(e)s français(es) que j’accompagne en Inde. Si cela vous intéresse, merci de me laisser un message sur ma boite mail.
Amicales salutations – Philippe SP