L’Inde, pour une startup ou une petite entreprise sans network et ni relations, cela semble très compliqué… voire impossible. Et pourtant, c’est the place to be aujourd’hui. Ce sont donc surtout les multinationales, les ETI ou les grosses PME qui en profitent.
La croissance, qui va vraisemblablement baisser d’un ou deux points suite à une démonétisation radicale décidée par le gouvernement, flirte depuis des années avec les 7%. La classe moyenne (70 à 250 millions de personnes selon les estimations) en plein essor ne demande qu’à consommer. Niveau tech, certaines villes comme Bangalore, prennent des allures de nouvelle Silicon Valley, avec des startups à chaque coin de rue, des entrepreneurs plus créatifs les uns que les autres. La crise de la roupie actuelle est d’ailleurs source d’opportunités pour nombre de start up spécialisées dans le portefeuille électronique comme PayTM.
Les grandes entreprises françaises y voient un nouvel eldorado: 36 Rafale vendus, des commandes régulières pour Airbus… C’est une terre à défricher pour les industriels et les entreprises. Qui sont encouragés par le gouvernement : Make in India, visa de résident permanent pour les gros investisseurs étrangers, Digital India… Mais c’est aussi un marché particulier où Carrefour, Aubade se sont cassé les dents. Où Renault a mis plus de 10 ans avant de parvenir décoller.
Donc l’Inde, quand on est petit entrepreneur ou startup, fait rarement partie des objectifs prioritaires. « A tort » estime Abhinav Agarval, jeune entrepreneur indien installé en France depuis 8 ans. « L’Inde, c’est aujourd’hui qu’il faut y aller. Les opportunités ne manquent pas à condition de savoir les saisir, même pour les petits entrepreneurs ». Et pour les aider, Abhinav est là.
Un Indien en France
Ingénieur de formation, Abhinav (ou Abhi pour tout ceux qui le connaissent) a fait une partie de ses études à Pondichéry, l’autre à Rouen. Mais c’est, depuis des années, un entrepreneur plein de ressources. Avec Paris India Connections (événements culturels autour de l’Inde), puis Business India connections, pour favoriser les relations entre la France et l’Inde, il organise des événements attirant aussi bien des entrepreneurs, des startups, des leveurs de fonds ou institutions publiques autour de l’Inde.
Business India Connections, le network entre la France et l’Inde
A l’origine de Business India Connections, un constat. « L’Inde est très mal connue en France en termes d’innovation, d’entrepreneurs. Depuis 6 mois, avec l’achat des Rafale, les choses changent. Mais il y a encore beaucoup de stéréotypes : les castes, les femmes, le terrorisme. Et ici, les Indiens qu’on voit, ce sont surtout les vendeurs de roses dans la rue (indiens, pakistanais, bengladais, on les met tous dans le même panier). »
Or pour Abhi, il faut promouvoir l’Inde, vendre la marque Inde à l’étranger, en particulier en France. Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, on a des exemples d’entrepreneurs indiens qui ont monté des start up devenues des success stories mondiales. C’est encore impossible en France, estime Abhi qui a passé un an et demi à chercher des investisseurs pour sa start-up avant de réviser son business model : « Au moins je connais l’écosystème des startups en France. J’ai plus appris que si j’avais fait un MBA ».
« Tout le monde veut avoir accès à l’innovation : PME, entrepreneurs, petits créateurs dans l’artisanat. Chacun veut trouver la super technologie ou les super produits qui vont faire la différence. » Bref tout ce que l’Inde moderne, avec son énergie, son sens de l’innovation, son foisonnement de startups propose. « Mais personne n’ose ni ne sait comment se lancer vers l’Inde» remarque Abhinav.
C’est comme ça qu’est né Business India Connections : des événements, conférences, dîners qui rassemblent toujours davantage de monde pour présenter les opportunités en Inde, discuter avec entrepreneurs qui s’y sont lancés, bref avoir une approche concrète de l’Inde.
Un « start up safari » est en préparation pour 2017. Le programme définitif sortira en janvier, mais il est déjà question de visites au Bombay Stock exchange pour rencontrer des investisseurs, des startups du secteur fintech, mais aussi d’une visite dans les studios de Bollywood à la rencontre des artistes. « Je veux montrer une Inde différente des photos et faire rêver les gens. »
Un réseau qui repose sur confiance et bouche à oreille
La force d’Abhi et ce qui le différencie de tous les autres consultants sur l’Inde, c’est sa capacité à créer des réseaux, une communauté… Bref, c’est un pro du network. C’est ainsi qu’il s’est fait connaitre dès ses débuts. Sur Meet Up, il acquière rapidement une réputation d’expert sur l’Inde. “C’est comme ça que j’ai rencontré l’ambassade de l’Inde en France et que j’ai noué pas mal de contacts business”
Et être un Indien à Paris a aussi été un avantage : « grâce au bouche-à-oreille, j’ai rencontré des industriels indiens, des investisseurs, des gens de Bollywood, des politiciens indiens à Paris. C’est beaucoup plus facile ici qu’en Inde, car ils sont hors de leur cadre familier, ils n’ont plus les mêmes repères … »
A son image, les évènements de Business India Connection sont l’occasion de mieux connaitre l’Inde mais aussi d’agrandir son réseau. « Les gens qui viennent aux soirées Business India Connections font du business entre eux. C’est une valeur ajoutée, explique Abhi. Lorsque j’ai organisé un événement à l’ambassade de l’Inde, avec des investisseurs, des incubateurs, des leveurs de fonds pour présenter l’Inde, les participants ont fini en faisant aussi du networking entre eux. L’important c’est que les gens se rencontrent et qu’ils découvrent, en discutant, de nouvelles opportunités de business. »
Est-ce que ce n’est pas une incitation à l’opportunisme ? Pas vraiment « ceux qui sont là par opportunisme sont rapidement identifiés. Il suffit que 3-4 personnes fassent des retours négatifs et ils sont grillés. »
Avec le Business India Club (BIC), lancé en novembre dernier, Abhinav va plus loin dans le networking : un réseau social entièrement consacré au business avec l’Inde. Ce ne sont pas les besoins qui manquent côté français, comme trouver les bons partenaires ou les bons fournisseurs en Inde.
Mais n’en fait pas partie qui veut. « Le Business India Club, c’est une communauté de confiance. On y entre par cooptation, par bouche-à-oreille. Sinon je valide personnellement le dossier de la personne. On est là pour faciliter le business avec un réseau de confiance. »
A terme, l’ambition du BIC est de s’étendre à toute l’Europe : « je ne pense pas qu’il existe un truc pareil en Europe à l’exception du Royaume Uni, peut-être, où il y a déjà beaucoup d’Indiens. En revanche, en France, la concurrence est limitée. Ils ne sont pas très nombreux les Indiens qui parlent les différentes langues, et connaissent bien l’écosystème des startups et des entreprises des deux pays. »
Comment s’écrit le futur du network France-Inde ?
Abhi a aussi créé sa propre agence de conseil en innovation frugale, qui s’adresse aux grands groupes comme aux PME. L’esprit Jugaad est dans l’air du temps : « il y a une appétence du marché » en ces temps de crise, vers tout ce qui est innovation low cost.
Une autre tendance émerge : la levée de fonds. Nombre de fonds indiens sont en train de se lancer. Et il y a de la demande en France. « Je vois de super boites dans différents secteurs, technologie, fintech … Certaines essaient de lever 1 à 2 millions €, ce qui n’est pas énorme, vu les technologies qu’elles développent. Mais lever 2 millions en France, c’est impossible. »
Les investisseurs indiens à l’aide des startups françaises ? L’idée fait son chemin «Je reçois de plus en plus de dossiers d’entreprises qui recherchent des investisseurs.» Mais cela prend du temps. Les Français restent encore très frileux dès qu’il est question de l’Inde. « Certains fonds sont spécialisés sur la Chine, d’autres se lancent sur l’Afrique. Mais il n’y a rien sur l’Inde. Cela reste méconnu. » Or le potentiel est énorme.
En France, le premier mouvement des start up est d’abord de se diriger vers les Etats-Unis, pour se développer. Pour Abhi, dans certains cas, c’est carrément « contre-intuitif. Il est évident qu’ils doivent se développer en Inde car la moitié des jobs outsourcés sont en Inde et ont des clients importants. Les Français restent très méfiants vis-à-vis de l’Inde. Mais cela pourrait changer. Il suffit que les Etats-Unis perdent leur attractivité en se repliant sur eux-mêmes, rendant l’Union Européenne plus attractive pour qu’on voit changer le sens des flux des investisseurs. »
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