Le cinéma indien a depuis longtemps franchi les frontières du pays : mode de Bollywood, diaspora indienne, engouement pour des acteurs comme Shahrukh Khan, dont la renommée dans le monde ferait pâlir d’envie les stars de Hollywood, pudeur qui permet de franchir sans problème la censure de nombreux pays…. Les chiffres donnent le tournis : 4 milliards d’entrées par an , 1200 films produits entre Bollywood, Kollywood (Chennaï) ou Mollywood (Meerut au nord)…
Avec 95 % du marché dévolu aux films indiens, notamment hindi. il reste peu de place pour le cinéma français et européen, en concurrence avec les grosses productions américaines et asiatiques. Cela n’empêche pas cependant la Fabrique Films de travailler à promouvoir depuis 2 ans, le cinéma français en Inde.
Derrière la Fabrique Films
Déborah Benattar, qui a passé 3 ans au consulat de France à Bombay, comme attachée audiovisuel, Clea une journaliste franco-indienne qui vit à Paris, et Javed, le co-directeur indien, Ensemble, ils vendent en Inde les droits de films français et, de plus en plus fréquemment, assurent la production exécutive (recherche, logistique, tournage, casting…) de tournages étrangers (documentaires, reportages, cinéma) dans toute l’Inde. Récemment, l’équipe a ainsi travaillé sur un documentaire consacré à un vent du nord de l’Inde, ou à des épisodes de reality-show destinés une chaine d’Arabie saoudite, ou au casting d’un film de Jacques Audiard…
Une industrie du cinéma qui se professionnalise
Au consulat, ma mission était de donner plus de visibilité aux films français. C’est quasi impossible dans le contexte indien. Pourtant, avec 1 200 films par an, dont 500 à 600 à Bollywood, les producteurs commencent à être à court d’idées et d’histoires. Il y a maintenant une demande pour des histoires ou des scripts étrangers. Et l’industrie se professionnalise : il y a quelques années, certains producteurs ne se gênaient pas pour copier illégalement les films étrangers qui leur avaient plu. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui et les producteurs achètent les droits de remake en bonne et due forme.
Des films français bien cotés
Les films français sont bien cotés en Inde, notamment parce qu’ils sont davantage présents dans les festivals. Certains sont même diffusés sur les rares chaînes indiennes qui passent des films étrangers.
Les producteurs indiens voyagent aussi plus. Ils sont davantage présents à Cannes et dans les festivals internationaux depuis quelques années. Il est arrivé que des producteurs m’appellent en disant : « J’ai vu ce film dans l’avion, peux-tu me trouver les droits ? » Des producteurs français me demandent également de représenter leurs films auprès des Indiens. Ce qui peut aboutir à un nouveau projet…
Cela marche aussi dans l’autre sens : depuis 3 ou 4 ans, de plus en plus de films indiens sortent en France. Ça a commencé par des films très commerciaux pour la communauté tamoule, importante en région parisienne, pour aller vers des films plus indépendants. Aujourd’hui, des films comme The Lunch Box peuvent faire 400 000 entrées en France. C’est énorme. Du coup, l’Inde intéresse aussi les distributeurs français. Et les spectateurs peuvent se rendre compte que le cinéma indien est hyper intéressant et très diversifié.
Un secteur dynamique
Ce n’est pas difficile de travailler dans l’audiovisuel en Inde. L’industrie du cinéma est très vivante, il y a beaucoup de projets et d’opportunités.
La plus grande difficulté, c’est de s’adapter à la manière de travailler ici : la logistique est plus compliquée, les délais sont plus longs. Une équipe de 100 personnes en Europe équivaut à une équipe de 170 personnes en Inde. Ce n’est pas une question de compétences, juste la manière de travailler qui est différente. C’est ce que j’explique à mes clients qui viennent tourner ici. Par exemple, en France, vous avez besoin de talkies-walkies ou d’une caméra : vous les louez, allez les chercher, les utilisez puis les rendez au loueur. En Inde, on est obligé d’avoir quelqu’un qui les accompagne. Il n’y a pas de dépôt de garantie, pas d’assurances mais un assistant qui vient avec le matériel.
C’est aussi pour cela que les productions françaises font appel à nous pour assurer la production exécutive sur place. Nous parlons la même langue qu’eux, mais connaissons la manière de travailler ici. Nous savons trouver des solutions êtres réactifs. Nous leur évitons de gérer des situations auxquelles ils ne sont pas préparés.
Ainsi, certains métiers sont gérés par des syndicats, ou unions, qui établissent les règles. Si on a besoin d’armes sur un tournage, l’armurier accompagne les armes et son salaire est établi en fonction d’une grille établie par l’union des armuriers. Et dans cette grille, il y a un tarif pour les films indiens… et un autre pour les films étrangers.
Ici, c’est capital, avant de se lancer de comprendre comment les choses fonctionnent, de travailler avec les professionnels locaux. Il y a beaucoup de monde et c’est difficile de trouver les bonnes personnes. Mais au final, il y a des gens extrêmement compétents, intéressants. Dans mon domaine, il y a des techniciens incroyables ici. Il faut prendre le temps de se créer un réseau et de travailler main dans la main avec les personnes compétentes ici.