Dans le business du voyage en Inde, le principe de FTO-Inde (pour French Travel Organization) est aussi atypique qu’inattendu, comme l’explique Ritu Bernaerts, la co-fondatrice de l’agence.
Une agence à la croisée des chemins franco-indiens
A l’origine de FTO, un double constat : des Français partis en Inde regrettaient de n’avoir pas eu assez de temps pour s’imprégner de la culture du pays. Et, à l’inverse, les deux fondatrices de l’agence, Ritu, indienne mariée à un Français et Séverine, française mariée à un Indien, avaient pris l’habitude d’organiser des visites insolites afin de faire découvrir une France inattendue à la famille et aux amis indiens de passage.
Moralité : face aux regrets des premiers et l’enthousiasme des seconds, «il y avait quelque chose à créer pour que les deux populations apprécient l’autre pays à sa juste valeur. C’est comme ça que FTO a démarré il y a 6 ans» explique Ritu.
Face aux spécialistes de l’Inde, aux géants du voyages ou autres tours operators, la spécialité de FTO, ce sont des voyages «personnalisés à outrance».
Pour les Français, des spécialistes du voyage personnalisé
Tout voyage commence par une longue conversation avec les clients, pour connaitre leurs envies. «L’idée est de comprendre leurs motivations pour trouver, dans nos ressources, tout ce qui peut correspondre à la personnalité chacun. Le voyage de l’un ne correspondra pas à l’autre» explique Ritu.
Les résultats sont étonnants : « une cliente voulait partir en Inde avec ses quatre enfants dont la dernière avait 4 ans. Au départ, c’était juste un voyage de famille lambda. En discutant, il est apparu qu’elle organisait le voyage à la demande de ses enfants, car elle-même avait été adoptée en Inde. Elle n’avait jamais eu besoin d’y retourner, mais au fil des conversations, on s’est rendue compte que si on arrivait à retrouver son orphelinat, ce serait un cadeau exceptionnel pour ses enfants. »
Autre exemple, des clients dont le grand-père, d’origine anglaise a été enterré à l’est de l’Inde sous le Raj britannique. « Nos clients voulaient se rendre sur sa tombe, mais n’avaient pas beaucoup d’informations. Nous avons travaillé ensemble pour rassembler plus de renseignements afin de retrouver sa tombe».
FTO couvre l’Inde, ainsi que le Bhoutan, le Sri Lanka et le Népal «que nous connaissons par cœur» confirme Ritu.
Pour les Indiens, des voyages d’exception
Quid des voyages pour les Indiens en France ? Répondent-ils au même principe ? Oui et non. Oui, car il s’agit toujours de voyages sur-mesure. Et non, quant au type de clientèle. «On travaille beaucoup en b-to-b. On est dans le haut de gamme et le luxe » avec une clientèle de milliardaires, de stars de Bollywood et autres chefs d’entreprises.
Une approche différente donc, comme avec ce client qui voulait fêter ses 40 ans à Paris avec ses amis. Le défi : «tous connaissaient très bien la ville et voulaient être surpris. Or il fallait savoir ce qui allait les surprendre. Mais ils étaient très difficiles à joindre, même leurs secrétaires n’avaient pas toutes les infos… Et on ignorait ce qu’ils avaient déjà fait. Au final, pendant 3 jours, les invités ont visité de Paris en hélicoptère, dîné dans un château 3 étoiles Michelin, accueilli par le chef en personne à leur descente d’hélicoptère. Ce dernier avait préparé un menu différent pour les convives, selon qu’ils étaient végétariens, vegan, ou sujets à intolérances… Un saut en parachute dans la baie de Somme et un atelier de tatouages pour marquer l’événement étaient également au programme. »
« Nous avons beaucoup de demandes de ce type » reconnaît Ritu. « On ne cherche pas à faire de volume, on mise sur le qualitatif. Nous ne sommes donc pas sur le même marché que les agences de voyages classiques».
Tout en double
Deux pays, deux cultures, deux façons d’envisager le business, tout est sous le signe de la double culture chez FTO.
Une organisation sur deux pays…
Ritu et Séverine sont basées à Nantes. En France, elles fonctionnent à deux, mais travaillant en fonction des projets, elles ont recours à des collaborations en contrat temporaires et à des stagiaires sur de longues durées.
En Inde, FTO a monté un service de conciergerie qui s’adapte en fonction des voyages. Le principe: que les voyages aient lieu en Inde ou en France, Ritu et Séverine, ainsi que leur bureau indien sont disponibles 24h/24.
… pour une gestion réactive
« Nous sommes une toute petite structure. Cela nous permet de nous adapter très vite et d’être pro-actif » explique Ritu. Car FTO n’est pas à l’abri des imprévus. « Si, pour notre client, le voyage en France que nous lui préparons n’est pas prioritaire, il peut très bien y renoncer d’un coup.» Un attentat terroriste comme la tuerie de Charlie Hebdo en janvier 2015, des inondations au Sri Lanka peuvent retarder ou annuler des projets de voyages.
Cela fait partie des risques du métier, mais, reconnaît Ritu, « nous avons créé notre société en pleine crise. Il fallait être un peu suicidaire. » Le risque en valait la peine puisque FTO aujourd’hui, est à l’équilibre et se partage à égalité entre les voyages vers l’Inde et les étrangers qui viennent en France, soit une centaine de voyages par an en moyenne.
Les piliers de FTO : bouche à oreille et réseau
Le premier apporte les clients venus d’Inde, mais aussi du reste du monde (nombre d’entre eux sont des NRI -non resident Indians- installés en Australie, aux Etats-Unis ou encore à Singapour). « Encore aujourd’hui, on est offline, et notre budget marketing est minuscule » reconnaît Ritu.
Et le second est leur outil de travail. Le réseau de Séverine et Ritu, construit au fil des années, leur permet de répondre aux besoins des clients.
« Chaque dossier est une personne et pas un numéro » insiste Ritu. « Nous passons beaucoup de temps à préparer les voyages : il faut comprendre la demande des clients, trouver ce qui leur correspond. Cela prend plus de temps niveau production, mais niveau résultats, c’est passionnant.»
Compliqué de travailler sur plusieurs pays ?
Il y a des avantages et des inconvénients estime Ritu. Et chaque pays a ses bons et ses mauvais côtés. Il faut l’accepter. Mais « dans le monde entier, l’entrepreneuriat a toujours le même problème : il y a toujours plus de difficultés avec les administrations qu’avec le business lui-même. L’administration est plus contraignante, le jargon administratif prend du temps. C’est très compliqué pour les petites structures comme la nôtre, et cela nous prend pas mal d’énergie. Si les choses étaient plus simples pour les entrepreneurs, nous pourrions développer beaucoup plus de projets.»