Le Bistro du Parc, un peu de Paris à Delhi

Ouvrir un bistro à Delhi ? C’est le pari un peu fou du Bistro du Parc. Car on ne plaisante pas avec la gastronomie en Inde. Pourtant, ce restaurant bar café n’hésite pas à s’éloigner largement des standards indiens… pour le plus grand bonheur de ses clients.

 

Naina, foodista et entrepreneuse

Premier bistro français en Inde ouvert en juillet 2013, le Bistro du Parc joue la carte de la bistronomie, cette rencontre entre la gastronomie française et la fraicheur de la cuisine de bistro, accessible à tous. À l’origine du concept, Naina de Bois Juzan, une jeune Franco-Indienne, qui est née et a grandi à Paris.

Naina de Bois-Juzan, fondatrice du Bistro du Parc

Naina de Bois-Juzan, fondatrice du Bistro du Parc

Vivant depuis 2006 à Delhi, où elle a étudié puis travaillé pour GL Events, Naina a toujours eu envie d’entreprendre. Mais l’idée de départ vient en revenant d’un séjour à Paris. « Je passais beaucoup de temps dans les bistros pour des cafés au comptoir le matin, à déjeuner avec le plat du jour, à dîner jusque tard avec des amis. Or cela n’existe pas à Delhi. Je me suis dit “C’est ridicule, il n’y a pas un bistro dans une ville comme Delhi. Et si j’en ouvrais un ?” et je me suis lancée ».

 

Importer la culture bistro en Inde

« Je n’ai pas cherché à « indianiser » la cuisine de bistro, ni même à en faire quelque chose d’européen. Le Bistro du Parc, c’est le bistro où j’aime aller à Paris, pour déjeuner, dîner. Je voulais reproduire cette atmosphère » avec ses avantages et ses inconvénients. Un défi en soi, sachant combien cela va à l’encontre des habitudes indiennes.

Une décoration typique des bistros parisiens…

un bistro parisien à Delhi

un bistro parisien à Delhi

Le bistro du parc côté salle

Le bistro du parc côté salle

… que Naina a respecté. « En France, on touche quasiment la table du voisin, alors qu’en Inde, il y a beaucoup d’espace entre les tables dans les restaurants. » On trouve donc au Bistro du Parc des chaises  Thonet, des petites tables de bistro rapprochées… Bref un décor très parisien ! Autre surprise pour les Indiens habitués aux menus imprimés, la carte est écrite … sur une ardoise. « Nous sommes les premiers à avoir fait ça à Delhi. Au départ, les gens se sont étonnés, puis ils ont adoré : It’s so French !»

Un menu toujours frais

Alors que la majeure partie des restaurants indiens proposent des menus de 15 pages, avec toute sortes d’options, le menu du Bistro du Parc est court. Très court : «7 entrées, 7 plats, 7 desserts. On m’a déjà fait la remarque : “C’est tout ce que vous avez ?”. Mais nous n’utilisons que des produits frais comme dans un bistro. Et produits localement : on travaille avec des fermes bio autour de Delhi. Si ce n’est pas frais, ce n’est pas sur notre menu. » Seule concession aux habitudes indiennes : la moitié des plats sont végétariens.

C’est d’ailleurs l’un des défis quotidien du bistro. À part quelques fromages et de l’huile d’olive, rien n’est importé. Tous les produits de base sont locaux. Or « les légumes ont un goût différent de ceux qu’on trouve en France, il n’y a pas beaucoup de produits communs. » C’est tout l’art de Naina et du chef cuisinier de parvenir à créer une cuisine de bistro à partir des produits locaux.

 

Une ambiance bistro

L’ambiance bistro est autant dans l’assiette que dans la salle. Et, dans un cas comme dans l’autre, Naina ne fait pas de compromis.

En cuisine, un chef français…

Maîtrisant dans les règles de l’art la gastronomie française, les chefs du Bistro du Parc font preuve d’innovation et d’originalité pour adapter leur cuisine aux produits disponibles. Le recrutement n’est pas de tout repos, mais le résultat est bluffant. D’ailleurs, Naina recherche actuellement un chef de cuisine. Avis aux cuisiniers globe-trotters.

… et dans la salle, des serveurs formés aux exigences françaises

La plupart ont été formés par Naina elle-même, qui s’appuyait sur son expérience en tant que cliente. « En Inde, dans tous les restaurants, les serveurs vont voir les clients toutes les 10 minutes en demandant « how’s your food ? » Je n’aime pas du tout ça. En France, on pose la question à la fin du repas, pas, tant que les clients ont la bouche pleine. Si ce n’est pas bon, les gens le font savoir très vite. »

Elle les a également formés sur les détails qui font la différence : quand apporter l’eau, le pain, comment tenir l’ardoise… La formation va encore plus loin. « Dans les autres restaurants, les serveurs se trompent dans les commandes, n’arrivent pas à m’expliquer le menu. Chez nous, dès qu’il y a un nouveau plat du jour, on le fait goûter aux serveurs, on leur demande s’ils aiment, pourquoi, ce qu’ils préfèrent. Et on leur explique en détail ce qu’ils sont en train de déguster. » Et cela fonctionne, puisque la plupart des serveurs sont là depuis l’ouverture du bistro. Exceptionnel dans un milieu où le turn-over est la norme.

Un maître d’hôtel – français également– a maintenant rejoint le Bistro et s’occupe de la formation aussi bien en cuisine que dans le service.

Bien sûr, employer des étrangers, en Inde coûte cher. « Mais la qualité qu’ils apportent au restaurant est capitale et je ne veux pas compromettre cela. »

Un concept qui a su séduire

L’épreuve du bouche-à-oreille

Naina a d’abord compté sur le bouche-à-oreille : « C’était peut-être un risque mais ça a très bien marché, très rapidement. Puis nous avons eu énormément de presse. »

Encore faut-il rester ouvert ! Car la concurrence est rude à Delhi, où de nouveaux restaurants ouvrent tous les mois. « Les gens se précipitent, tout le monde en parle. Et au bout d’un mois, tout le monde a oublié. Au bout d’un an, le restaurant ferme », analyse Naina qui, de son côté, a des raisons de se réjouir. « Cela fait plus d’un an que le Bistro du Parc est ouvert. J’ai passé le stade difficile. Et surtout, le restaurant est toujours présent dans les médias»

Il a, en effet, été récompensé en 2014 et en 2015 meilleur restaurant européen et meilleur restaurant français de New Delhi (Times Food Awards et Vir Sanghvi Hindustan Times Awards).

L’accueil d’un bistro de quartier

C’est peut-être le pari le plus difficile : réussir à attirer une clientèle indienne, habituée à un certain style et un certain confort, et pas uniquement une clientèle d’expatriés nostalgique de la cuisine française.

Et cela fonctionne « Les Indiens aiment beaucoup, même ceux de la haute société. Beaucoup d’écrivains, de diplomates viennent régulièrement. De mon côté, je traite tout le monde de la même manière et cela demande parfois un effort, par exemple quand il s’agit de Priyanka Gandhi et Robert Vadra, des célébrités de Bollywood ou de grands sportifs de cricket. Mais il n’y a pas d’exception. Les gens apprécient et reviennent aussi pour cela ».

Des serveurs présents depuis le début, des habitués qui reviennent une à deux fois par semaine.… Progressivement, s’est instaurée une véritable ambiance de bistro de quartier : « Les habitués ont leur table, leur vin préféré, les serveurs les connaissent : “Votre table habituelle vous attend, voici votre viande cuite comme vous l’aimez”… C’est exceptionnel pour les clients. La patronne est là, le chef sort de sa cuisine pour saluer les clients. Parfois, on nous demande un steak frites ou un tartare… Même si ce n’est pas sur la carte, “pas de souci, je vous l’apporte”. » L’atmosphère est vraiment sympa, c’est vraiment l’ambiance d’un bistro. »

Il y a également toute une clientèle issue de la classe moyenne, moins cosmopolite, qui vient découvrir la cuisine française. « Ils sont assez timides car ils ne connaissent pas. Ils ne savent pas ce qu’est une ratatouille, un carpaccio, n’ont jamais gouté de champagne, explique Naina… On les met à l’aise, on leur explique le menu et ils découvrent progressivement. Ces échanges sont sympas. Comme, à l’inverse, de voir le chef français goûter pour la première fois des pickles ou du piment ».

Une Delhi qui change

Une classe moyenne qui a de plus en plus de moyens, qui voyage aussi davantage, soit autant d’envie de découvrir de nouvelles gastronomies, des lieux, des ambiances différentes. Pour Naina, c’était le bon moment pour ouvrir un restaurant français. « Il y a encore 5 ans, cela aurait été trop tôt. Les gens n’auraient pas été prêts. »

Delhi change. Les quartiers branchés se multiplient, de nombreuses galeries ouvrent. Et, en dépit d’une réglementation qui oblige les établissements à fermer dès 00h30, « les gens ont envie de sortir, de consommer, de boire, de dîner tard, de s’amuser ».

La terrasse du Bistro du Parc

La terrasse du Bistro du Parc

D’ailleurs, on ne va pas au Bistro du Parc seulement pour son menu : le mercredi, des concerts de jazz sont organisés sur la terrasse. Et Naina vient de lancer les soirées tapas accompagnées de sangria, idéal pour supporter la chaleur de la ville.

 

 

Un pays d’entrepreneurs

À Paris, Naina n’aurait jamais eu l’idée d’ouvrir un bistro. Mais en Inde, « tout est possible. Il y a beaucoup de choses à faire. Ça crée un état d’esprit qui est très excitant. Tout le monde crée sa boite. On est entouré d’entrepreneurs, tous mes amis le sont, Indiens et expatriés. C’est incroyable. »

La question est moins de trouver des fonds pour se lancer que la bonne personne avec qui s’associer. Et, en restauration, le lieu idéal. « J’avais sous-estimé cet aspect, avoue Naina. Il faut faire attention à trouver un lieu central, où les gens viennent. Or, le développement de Delhi est particulier. On ne sait jamais quel quartier va se développer dans les 10 prochaines années ». Et si cela ne fonctionne pas ? Ce n’est pas grave. Il suffit de recommencer.

Être à moitié indienne est un avantage…

Et notamment le fait de parler hindi. La plupart des entrepreneurs français s’y sont mis. « Deux trois mots en hindi au bon moment aide énormément à résoudre des problèmes », explique Naina.

Et dans son cas, être à moitié indienne permet de comprendre la mentalité du pays. « Ma mère est indienne, je viens en Inde depuis toujours. Je comprends beaucoup de choses : qu’est-ce que les Indiens aiment vraiment? Est-ce que ce concept marcherait?… ».

…mais cela n’évite pas certains problèmes

Auxquels sont confrontés tous les entrepreneurs, indiens et expatriés : l’administration est compliquée, les banques aussi. Les travaux qui n’avançaient pas ont retardé de 4 mois l’ouverture du restaurant.

Dans la restauration, obtenir des licences prend des mois : « Les restaurants ne peuvent pas obtenir de licence d’alcool avant d’être ouverts. J’ai dû attendre 2 mois et demi pour avoir ma licence. C’était nul, je perdais des clients car les gens ont envie de boire un verre de vin avec leur repas ».

Et pour la suite ?

Café gourmand au Bistro

Café gourmand au Bistro

Le Bistro du Parc n’est qu’un premier pas. Ayant pour projet d’ouvrir un nouveau restaurant, toujours à Delhi, Naina recherche des associés aussi investis et passionnés qu’elle, pour faire découvrir la bistronomie, qui plaît tant aux Indiens.

Retrouvez le Bistro du Parc sur Facebook et Instagram (Attention, certaines images sont susceptibles de vous donner faim… très faim!!)

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