Réussir en Inde, les différences entre les Allemands et les Français

Chacun son style. Lorsque les Français et les Allemands se lancent en Inde, les approches peuvent diverger explique Marita Maier, en charge de la liaison entre les bureaux EY France et Allemagne en Inde.

Entreprises françaises, entreprises allemandes, qui s’installe en Inde ?

Marita Maier EY India Allemand français

Marita Maier

J’ai été surprise, en arrivant ici, par la différence de profil entre les entreprises. Cela reflète bien, en réalité,  le tissu industriel de chaque pays.

Concernant les entreprises françaises, on retrouve en Inde les filiales de grands groupes et de quasiment toutes les sociétés du CAC 40.

Du côté des Allemands, quelques très grandes entreprises, comme Siemens et BASF sont installées depuis longtemps en Inde. Mais on trouve également une multitude d’ETI et de PME, qui viennent s’installer à la suite de ces grands groupes – c’est particulièrement vrai dans le secteur industriel tel que l’automobile. Cela reflète assez bien le tissu industriel des deux pays : de nombreuses PME familiales en Allemagne n’hésitent pas à se lancer à l’international. En France, il s’agit de très belles grandes entreprises. En revanche, on trouve moins de sociétés familiales pour qui les risques liés à des investissements à l’étranger représentent encore un frein réel.

Comment Allemands et Français abordent-ils le marché ?

Pour qu’une entreprise, ou une filiale devienne autonome et rentable en Inde, il faut compter 3 à 8 ans compte tenu de la complexité du marché et toujours aussi de la lourdeur des procédures administratives. Dans un environnement de grand groupe soumis à la pression de la rentabilité, cela est souvent considéré comme trop long et certains renoncent face aux trop nombreux obstacles, comme par exemple Peugeot et Carrefour.

Des entreprises allemandes comme BASF et Siemens sont là depuis plus de 50 ans. Les difficultés sont déjà loin derrière eux. Et en ce qui concerne les PME et ETI allemandes, auxquelles sous-traitent ces grands groupes, elles peuvent compter sur eux comme clients dès leur arrivée en Inde.

En résumé, les clés de succès pour tous, c’est d’avoir une vision à long terme et aussi la volonté de s’investir et de s’engager à côté des partenaires indiens.

Pourquoi choisir l’Inde ?

Pour cela, Allemands et Français sont bien d’accord. C’est d’abord la stabilité politique et économique. Ensuite, le marché intérieur bien sûr : 1,2 milliard d’habitants dans un pays dont la superficie est plus vaste que l’Europe, c’est colossal. Les besoins à venir ou déjà existants sont très intéressants en termes de croissance pour n’importe quelle entreprise européenne ou américaine.

Enfin, la main d’œuvre est peu coûteuse mais qualifiée. Tout le monde ou presque parle plus ou moins anglais. Il y a un bon système éducatif avec des écoles de commerce ou d’ingénieurs.

Les entreprises françaises, très présentes dans les domaines de l’ingénierie, des infrastructures et de l’aéronautique, ont donc à leur disposition un pool de jeunes talents motivés et dynamiques.

Côté allemand, le système de la dual education  a été introduit en Inde avec l’appui de la Chambre de commerce indo-germanique et des entreprises, sur les mêmes principes de l’apprentissage qu’en Allemagne, il y a déjà 20 ans. Les jeunes passent la moitié du temps à étudier en cours et l’autre moitié en apprentissage pour ainsi former la main d’œuvre qualifié dans les usines des entreprises allemandes installées en Inde.

 

En terme de coût de main d’œuvre pourtant, l’Inde perd son attrait 

Il est vrai que d’autres pays de la région émergent. Le Vietnam, la Malaisie, les Philippines ont aussi une main d’œuvre peu coûteuse. Qu’il s’agisse de fabrication ou de call centers, ces pays attirent de plus en plus les investissements étrangers.

Le gouvernement de Narendra Modi cherche à réformer le pays pour rendre l’Inde plus attractif. La campagne ‘Make in India’ lancée par le gouvernement en 2014 cherche non seulement à attirer les entreprises et de nouveaux investissements mais répond aussi à un besoin du marché intérieur : actuellement l’industrie ne représente que 15% du PIB, les services, 70%. Il y a d’énormes besoins, en termes de création d’emplois pour les jeunes (10 millions chaque année arrivent sur le marché du travail). Industrialiser le pays prend tout son sens, mais c’est une tâche titanesque.

Dans les relations avec les Indiens, Allemands et Français ont-ils les mêmes avantages ou problèmes ?

On retrouve bien sûr les différences culturelles qui caractérisent chacun des pays. Je dirais qu’il existe davantage de similitudes entre Français et Indiens qu’entre Indiens et Allemands. Pour schématiser quelque peu, les Français savent s’adapter et prendre avantage d’une situation en contournant les obstacles tandis que les Allemands gardent une approche un peu plus structurée et directe. Dans un pays aussi complexe que l’Inde, il faut de tout pour réussir et ce qui compte à la fin, c’est d’avoir atteint ses objectifs.

Quels sont vos conseils pour réussir en Inde ?

Il ne suffit pas d’avoir la bonne idée ou le bon produit. Par exemple, un produit français ou allemand lancé tel quel sur le marché indien n’a que peu de chances de réussir. Il faut vraiment s’adapter aux goûts et particularités locaux et pourvoir proposer un prix compétitif, sinon les gens n’achètent pas. En gros, ce qui fonctionne, c’est ce qui a été appelé la frugal innovation : adapter un produit occidental au marché local en termes de goût, de coût et d’utilité.

Ce qui selon moi est également important, il faut trouver les bons partenaires, le bon appui local pour être sûr de bien comprendre et appréhender les spécificités du marché. Il ne faut cependant pas se lancer dans un partenariat à l’aveugle, mais apprendre à bien connaître ses partenaires et comprendre leur culture et mode de fonctionnement afin de s’assurer qu’aussi bien l’entreprise que les partenaires mettent tous les atouts de leur côté pour réussir en Inde.

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Le luxe en Inde, un marché aux règles … indiennes

Le luxe fait partie de l’ADN de l’Inde. Il suffit pour s’en convaincre de remonter à l’époque des maharajahs, des Rajputs du Rajasthan ou encore des Nizams d’Hyderabad, qui n’hésitaient pas à remplir leurs somptueux palais d’œuvres d’art.

 

building Mumbai luxeDe grandes maisons de couture comme Pierre Cardin ou Emmanuel Ungaro ne s’y sont pas trompées. Elles n’ont pas hésité à s’y aventurer dès la fin des années 1960, attirées par le savoir-faire des tisseurs de coton et de soie pour produire des pièces exceptionnelles. Il n’est pas de joaillers et de créateurs de bijoux qui ne se rendent régulièrement à Jaïpur en quête tant de pierres précieuses que du savoir-faire des artisans.

 

Un marché particulièrement attractif

Après les maharajahs, c’est au tour des millionnaires indiens de prendre la relève. Le nombre de ménages à la tête d’une fortune de plus de 250 millions de roupies (3,8 millions de dollars) est passé de 62 000 en 2011 à plus de 137 000 en 2015 (+17 % entre 2014 et 2015). Ils devraient être 348 000 ménages de millionnaires d’ici cinq ans, selon le cabinet Kotak Wealth Management.

Habitués à voyager à l’étranger, ces nouveaux clients sont sensibles aux Chanel, Gucci et autres grandes marques occidentales. Les dépenses en produits de luxe ont ainsi augmenté de 25 % en 2014 (contre 7 % en Chine pendant la même période), ce qui n’est pas anodin lorsqu’on sait qu’un sac Vuitton coûte 8 à 10 % plus cher en Inde qu’en Europe, la faute aux multiples taxes d’importation ou sur les produits de luxe.

Aussi l’Inde est-elle devenue une destination obligée pour les grandes marques de luxe occidentales. Et pourtant, ou plutôt comme d’habitude dans ce pays continent, la réalité sur place est beaucoup plus complexe que ne laissent penser les chiffres.

 

Le luxe en Inde, un marché qui reste difficile à percer

Des marques qui vont et viennent

En termes de communication, tout se passe bien. On entend régulièrement parler de nouvelles griffes qui ouvrent en Inde. Preuve que les spin doctors font bien leur travail.

Car la réalité est tout autre. « Il y avait 190 marques de luxe en Inde il y a 10 ans, il y en a toujours 190 aujourd’hui. Le nombre n’a pas changé. Ce sont les marques qui changent : une arrive, une autre part », explique le consultant en marketing de luxe Emmanuel Balayer, installé en Inde depuis une quinzaine d’années. « Ce pays possède un énorme potentiel dans le luxe, c’est peut-être le plus gros marché du monde, et pourtant, on a une croissance plate. »

 

De fait, Kenzo s’est retiré, Burberry a fermé plusieurs magasins à Bangalore et à Delhi. Clarins, qui possède Azzaro, le parfum pour homme numéro un en Inde depuis des années, n’a toujours pas ouvert une boutique en propre et se contente de son réseau de distributeurs.

 

Car ouvrir un magasin en Inde coûte cher

Emmanuel Balayer consultant marketing luxe

Emmanuel Balayer consultant marketing luxe

Très cher. La plupart des entreprises occidentales qui font ce choix n’ont pas le droit à l’erreur. « Quand vous choisissez l’emplacement d’un magasin, vous avez intérêt à ce que ce soit le bon. Il n’y a que quelques emplacements qui marchent à Delhi : Khan Market ou le Citywalk. Sinon, vous ne vendez pas, ou alors vous vendez mais sans gagner d’argent », explique Emmanuel.

 

Des partenariats qui tournent court…

Dans le luxe, comme dans de nombreux domaines, mieux vaut ne pas se lancer seul. Et là encore, trouver un bon partenaire est dur. Audi avait deux partenaires à Bombay, de quoi assurer ses arrières. L’un d’entre eux a eu des démêlés avec le fisc et Audi lui a retiré sa marque. Ce qui signifie que, sur une ville aussi importante que Bombay, Audi a perdu la moitié de son réseau de distribution. Porsche a eu le même souci avec son partenaire indien, parti lui aussi en prison pour non paiement des taxes et malversations : il vendait pour neuves des Porsche d’occasion importées de Dubaï.

Et vu l’état général des routes indiennes, Ferrari, partenaire de Tata, s’est également retiré du marché, les clients fortunés ne se précipitant pas pour acheter des voitures de sport aussi basses et fragiles.

… et des stratégies inadaptées au pays

S’adapter à l’immensité du pays

C’est l’une des erreurs les plus classiques, même de la part des plus grandes entreprises : croire que ce qui marche ailleurs marchera aussi en Inde. Et pourtant, tout est à réviser. « Quand vous lancez un cabriolet en plein mois d’août, pendant la mousson, il y a peu de chances que ça marche. Il faut le faire entre octobre et février à Delhi. Le climat est agréable, on a envie de passer le week-end au Rajasthan. Dans le sud, ce ne sont pas les mêmes périodes. Il faut s’adapter. Or beaucoup de marques ont du mal à comprendre cela. Du coup, elles ont des revenus inférieurs à ce qu’elles espèrent » indique encore Emmanuel Balayer.

Et qu’en est-il de la mode ?

Selon Marita Maier, de E&Y, « l’Inde pas prête pour le luxe. 2 % des Indiens les plus riches se payent une robe Dior, ou une paire de chaussures Louboutin. C’est une minorité. La classe moyenne n’a pas encore émergé », contrairement à la Chine où celle-ci représente 10 % de la population.

La question de l’adaptation reste, là encore, cruciale. « Les Indiennes ont plus de derrière que les Chinoises. Pourquoi on ne vend pas de robes Dior en Inde ? Parce que le produit n’a pas été adapté au marché. Au contraire, quand Hermès a lancé ses saris, ça a marché du tonnerre. Quand Gucci fait une collection en partenariat avec un designer indien, c’est un succès. », remarque Emmanuel Balayer.

 

Avantage aux marques indiennes

Entre marques de luxe occidentales et marques de luxe indiennes, le choix est évident. Les Indiens dépenseront plus pour des marques indiennes que pour des marques étrangères. Les marques indiennes de joaillerie font des fortunes, en Inde et même à l’étranger avec les NRI (Non Resident Indians), tout en utilisant les stratégies des marques internationales.

Le contraire n’est pas vrai. « Cartier ne marche pas en Inde. Ce sont de gros annonceurs, mais ils n’ont pas de magasins. C’est une sorte de vitrine. Les marques étrangères investissent en Inde pour se faire connaître. Mais elles ne fonctionnent pas avec ce qu’elles gagnent ici », explique Emmanuel.

 

 Made for India

C’est aujourd’hui le mot d’ordre des marques de luxe en Inde, comme le rappelle Glyn Atwall dans son livre The Luxury Market in India : «Il faut adopter une approche orientée sur la culture indienne pour réussir en Inde… Les consommateurs indiens sont certainement attirés par les grandes marques internationales mais adaptées aux couleurs locales.»

Personnaliser le service aux clients

C’est un point capital pour attirer les riches clients indiens, estime Emmanuel Balayer. « Dans tous les magasins Gucci du monde, on vous donne une carte avec la ligne fixe, jamais le numéro direct des vendeurs. Or en Inde, c’est l’inverse. 60 % des ventes se font par téléphone. La cliente ne va pas appeler sur la ligne fixe de Burberry pour demander qu’on envoie la collection chez elle pour qu’elle choisisse. Il faut que le service soit personnalisé. »

Emmanuel Balayer en fait lui-même les frais : « On m’appelle à des heures impossibles, sept jours sur sept, même le dimanche. Il faut être à disposition. La notion de service est bien plus élevée en Inde que dans reste du monde, car on a l’habitude d’être servi. Les familles ont du personnel de maison. Les délais de réaction sont très courts. Quand on achète quelque chose, on le veut tout de suite. »

Ce qui peut poser quelques soucis, par exemple lors de l’achat d’une voiture neuve. « En général, on passe commande et on l’a 2-3 mois après. En Inde, la personne estime que, quand elle veut une voiture, qu’elle arrive avec son argent, elle doit l’obtenir tout de suite. Ce qui est souvent impossible. » C’est pourtant le tour de force que réussit Rolls Royce, qui fait ses voitures sur mesure en fonction des souhaits du client. La marque parvient à ménager les susceptibilités de ses riches clients indiens en déployant des trésors de diplomatie. Reste qu’à partir du moment où ils sont clients, les gens estiment qu’ils ont le droit à tout. Ce qui n’est pas forcément le cas.

 

Mieux pour moins cher ?

Les Indiens ont la réputation de vouloir la meilleure qualité pour moins cher. « C’est une idée fausse. Par exemple, le magasin Kitsch, à Bombay, vend des vêtements signés Alexander McQueen et d’autres griffes. Le magasin a réduit ses marges, et ses produits, en dépit des taxes, sont moins chers qu’à l’étranger. Or entre aussi en ligne de compte la question de l’attitude : “J’ai acheté à Paris”. Même s’ils trouvent le même vêtement moins cher à Delhi ou à Bombay, ils continueront de l’acheter à Paris. Même chose pour les voitures, sur lesquelles pèsent 100 % de taxes d‘importation. Pourquoi acheter une Mercedes, alors qu’Honda est mieux équipée ? La marque est plus importante. C’est une question de statut. »

Quel avenir pour le luxe en Inde ?

Encore et toujours… l’adaptation

Inde luxe bijouEncore une fois, il faut savoir s’adapter. Dans quelques années, prédit Emmanuel Balayer, des marques indiennes de luxe seront au même niveau que les marques européennes. Il faut s’adapter. D’ailleurs, de nombreuses marques italiennes comme Gucci ou Versace se sont déjà rapprochées de designers indiens et cartonnent.

Aller vers les petites villes

Une stratégie promise à un bel avenir serait aussi de s’adresser à cette classe de millionnaires indiens qui vivent dans des villes émergentes comme Kochi ou Bhopal. Près de 30 % des consommateurs de luxe habitent les villes indiennes de taille moyenne (de sept à neuf millions d’habitants), rappelle la journaliste Christine Nagayam.

« Il est clair qu’une grande partie des consommateurs de produits de luxe viennent des villes du centre de l’Inde, encore largement inexplorées par les grandes marques. Nous n’avons touché que la pointe émergée de l’iceberg dans les grandes villes », explique Sanjay Kapoor, fondateur de Genesis Luxury qui distribue de nombreuses marques de luxe, parmi lesquelles Jimmy Choo, Botega Veneta ou Canali. « Les petites villes ont d’énormes moyens et nous les avons sous-estimées. Or ce sont souvent des clients fidèles », estime pour sa part un distributeur de montres de luxe.

 

Aller au devant de leurs clients dans des villes encore émergentes avec des produits « made for India », c’est peut-être la solution pour les marques luxe, concentrées aujourd’hui à Bombay et à Delhi. D’autant plus que, si l’Inde est en train de se convertir au shopping sur Internet, ce n’est pas encore le cas du luxe. Seuls 1,20 % des achats de produits de luxe se faisaient en ligne en 2015. Preuve que les boutiques de luxe ont encore de beaux jours devant elles.

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Automobile en Inde : un marché séduisant mais risqué

Le marché automobile de l’Inde est séduisant. Très séduisant avec une croissance de 6% en 2015, une population d’1,2 milliard d’habitants et des ventes de voitures en croissance constante. Mais rien n’est simple dans ce pays continent où seulement 2,57 millions de voitures se sont écoulées en 2014. Malgré leurs efforts, les géants mondiaux de l’automobile représentent moins de 10% du marché de l’automobile.

Sylvain Bilaine

Sylvain Bilaine

Fondateur et ancien directeur général de Renault India, et aujourd’hui à la tête de Sy.B Consulting, Sylvain Bilaine livre quelques clefs de lecture pour comprendre cet étrange marché.

L’automobile en Inde, une industrie très jeune

Elle est âgée d’à peine une petite soixantaine d’années, depuis l’indépendance de l’Inde. En encore, pendant les 30 années suivantes, elle a suivi un modèle socialiste, avec une société d’État qui contrôlait 90% du marché…. et une liberté d’entreprise pour le moins restreinte.

L’industrie indienne telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existe que depuis 1991, avec la libéralisation de l’économie, initiée par Manhoman Singh. C’est aussi à cette époque que quelques joueurs mondiaux débarquent en Inde et commencent à relever les défis du pays.

Des leaders nationaux

« Ici ce sont les constructeurs indiens qui fixent les règles du jeu de la concurrence. Maruti pour les voitures, Tata pour les camions, Bajaj pour les 2-3 roues… tous les leaders sont indiens. » Même si certains sont détenus par des acteurs mondiaux comme Maruti, privatisée au milieu des années 2000 et détenue à 54% par Suzuki.

Et un marché particulier

Un prix moyen très bas

Comme dans beaucoup de domaines, une voiture en Inde ne doit pas coûter trop cher : « 70% du marché automobile, ce sont des produits à moins de 450 000 roupies. En France, on a peut-être 2 voitures qui coûtent ce prix-la. En Inde, le prix moyen d’une voiture est de 7 000 euros contre 14-15 000 euros en France. Ça fait une grosse différence.»

Et en dépit de leurs efforts, les Occidentaux se cassent les dents : « c’est en Inde que, pour la première fois dans le monde, la Logan n’était pas rentable. Il a fallu revoir le business plan. Nous avons dû trouver d’autres postes d’économies pour, au final, arriver à une Logan indienne 15% moins cher que dans le reste du monde. C’était la condition sine qua non pour en faire une voiture rentable.» Ce qu’elle ne sera jamais : en 2008, le gouvernement impose à 24% les voitures de plus de 4 m de long. Et la Logan mesure … 4,25m. Trop chère pour une low cost et trop low cost pour la classe moyenne, la Logan ne trouve plus sa place en Inde.

Et des attentes différentes selon les Etats

Dans un pays grand comme un continent, pas étonnant de trouver quelques différences du nord au sud, de l’est à l’ouest, sans parler des écarts entre Etats en termes de populations, de culture, de développement économique. On parle de l’Inde, mais parler des Indes serait plus juste. « Quand on a lancé la Logan, alors que j’étais président de la joint venture, le DG m’a dit qu’il y avait un problème d’acceptation de la voiture par les clients. Pendant 3-4 jours, nous avons fait le tour des concessionnaires pour voir ce qu’ils disaient de la voiture. Au sud, le concessionnaire tamoul, discret, pas très expansif, économe, voire un peu radin, adore la voiture. Il y a de la place, le coffre grand, on tient à 6 dedans, elle ne consomme pas beaucoup. Exactement l’inverse du jeune Punjabi frimeur de Delhi qui nous a demandé : comment pouvez-vous vendre une voiture aussi moche ? Le tableau de bord est triste, tout est beige … Comment voulez-vous que je vende cette voiture ? Et ce n’est qu’un exemple des extrêmes qu’on trouve là-bas où coexistent des dizaines de cultures. »

Peut-on vendre une même voiture dans toute l’Inde ?

automobile en Inde, un marché tentant

automobile en Inde, un marché tentant

« A la fin, on vend partout les mêmes voitures, mais elles plaisent plus soit au nord, soit dans le sud… Les besoins sont différents, tout comme les économies de chaque Etat peuvent être très différentes. En termes de développement humain, le Kerala est presque comme la Thaïlande. Le Bihar est presque comme l’Afrique subsaharienne. »

Sans parler du climat. Car on n’achète pas un cabriolet à la même période de l’année qu’on soit au nord ou au sud. Pour lancer un cabriolet, mieux vaut viser entre octobre et février à Delhi. Le climat est agréable. On pense week end au Rajasthan. A partir de juin, avec l’arrivée de la mousson, la voiture risque le flop. Dans le sud, les périodes changent. Il faut s’adapter. Or, estime le consultant Emmanuel Balayer, beaucoup de marques ont du mal à le comprendre et par conséquent, génèrent des revenus inférieurs à ce qu’elles espèrent.

Des besoins qui évoluent

Les gens circulent de plus en plus. Une aubaine pour l’automobile ? Les villages, autrefois accessibles uniquement en char à bœufs, n’ont-ils pas besoin de voitures eux aussi ? Ce n’est pas encore le moment, répond Sylvain Bilaine. Le marché en plein essor dans les campagnes, c’est celui « des 2 roues, des utilitaires, des pick up, des tracteurs, mais pas de voitures… 16 millions de 2 roues sont vendus par an aujourd’hui, 15 millions en occasion pour 2,5 millions de voitures vendues.»

Car après la mule, le cheval ou le char à bœuf, le premier moyen de transport des paysans indiens, c’est la moto insiste Sylvain. « Chaque famille, ou presque, a une moto, neuve ou d’occasion pour aller à la ville, au bourg, au marché… C’est la première mobilité automobile au sens premier du terme. »

Vu les infrastructures actuelles, la voiture est-elle utile ?

« Les infrastructures, c’est une tarte à la crème pour les politiciens. Le manque d’infrastructures n’empêche pas les gens d’acheter des voitures. Et les infrastructures se développent quand il y a des voitures et des gens qui paient des impôts. Aujourd’hui, il y a seulement 3 millions de gens qui achètent des voitures. Et pas assez d’impôts pour développer des routes. »

Et quand le besoin se fait sentir, on n’attend pas que l’Etat s’y mette. « Les entrepreneurs indiens font, depuis toujours, des affaires sans l’aide du gouvernement. Par exemple, l’autoroute surélevée qui relie Electronic city à Bangalore : c’est le consortium des entrepreneurs d’Electronic city (Infosys, Wipro…) qui l’ont payée.» Selon la même logique, tous les industriels s’équipent de groupes électrogènes dans leurs usines pour éviter les risques de panne. Notamment dans le secteur automobile : « On ne peut pas se permettre une panne d’énergie, par exemple sur la chaine de peinture de voiture. Si elle s’arrête pendant 10h pour cause de panne, il faut tout démonter et nettoyer. Ce qui signifie : pas de boulot pour les gens pendant 1 mois. » Hors de question de prendre le risque.

L’Inde, d’abord un apprentissage

Présent depuis plus de 10 ans en Inde, l’aventure de Renault India n’a donc pas été de tout repos. Comme la plupart de constructeurs occidentaux, elle a traversé toutes les turbulences possibles et imaginables et ce, dès le départ. Avant même d’arriver en Inde, les négociations avec le partenaire, Mahindra ont pris énormément de temps. Pourtant ce n’était pas faute de se connaître. Mahindra fournissait déjà des moteurs à Renault à l’époque. « J’ai négocié beaucoup de contrats dans ma vie, mais je n’y ai jamais passé autant de temps qu’avec Mahindra : 18 mois contre 6 à 9 mois en moyenne.» A l’issue de cet avant-goût, Sylvain Bilaine arrive en Inde avec une feuille blanche pour créer Renault India à Nashik.

Et là commence l’exercice complexe mais ô combien passionnant de travailler avec des Indiens tout en respectant des contraintes occidentales. « J’ai appris sur le terrain ce qu’on peut faire de mieux avec les Indiens. Ici il y a une énergie rare, la volonté, un plaisir de faire, des gens assez compétents dans l’ensemble, même s’ils ne sont pas encore assez nombreux… Il y a cette double opportunité de savoir ce qui se passe à l’extérieur et de travailler de l’intérieur.» Une double casquette qui permet à Sylvain à son départ de Renault en 2010 de lancer Sy.B Consulting.

Nouvelle surprise : spécialiste de l’automobile dont il connaît tous les maillons (« à l’exception de la partie commerciale »), ayant travaillé aux Etats-Unis, au Japon, en France, en Italie et donc en Inde, Sylvain pensait que ses services de consultant intéresseraient en priorité les industriels de l’automobile qui cherchent à s’implanter en Inde. C’est finalement sa capacité à utiliser les bonnes pratiques venant de l’ensemble du monde occidental qui attire principalement des Indiens et surtout à la leur faire partager.

Et c’est peut-être là le secret de la réussite en Inde pour les Occidentaux : comprendre et adapter les besoins des uns aux attentes des autres. Une niche d’avenir en Inde ?

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