Petit écrin déco et design au sud de Delhi, Scarlette, accueille ses clients dans un décor mêlant antiquités indiennes et argenterie française.
Faire un truc pour moi
Arrivée pour un stage de 6 mois à Jaipur en 2010, puis responsable de production pour une marque de prêt-à-porter, Pauline n’a plus quitté l’Inde.
En 2013, changement de cap : « Je voulais faire un truc pour moi dans l’hospitality, hôtellerie ou restaurant…mais à petite échelle, sans associé, sans gros investissement de départ».
Les opportunités s’enchaînent. Pauline trouve rapidement à reprendre une maison d’hôtes, les travaux sont réalisés dans la foulée. « J’ai pris un pinceau et j’ai peint avec les ouvriers. J’ai pris le temps de le faire car je voulais que ce soit ma maison». C’est le seul moyen qu’il n’y ait pas de retard et arriver à ce qu’on veut, confie Pauline, il faut être avec les ouvriers et pas sur leur dos.
En octobre2013, Scarlette ouvre ses portes.
Scarlette, entre maison d’hôtes et hôtel de charme
Scarlette répond à un manque selon Pauline : « A Delhi, il y a des tonnes d’hôtels, mais peu de maisons d’hôtes où on se sent chez soi, où toutes les chambres ont une déco différente ». Car la déco occupe une place centrale chez Scarlette, souvent shootée dans les magazines de décoration d’intérieur. Un truc de famille au départ « J’ai beaucoup chiné à Jaïpur, rapporté de l’argenterie, de la vaisselle de France ».
Les prix s’en ressentent. La chambre standard est à 7000 roupies -presque 100 euros. «On favorise les longs séjours: j’ai une grosse clientèle qui vient travailler en Inde pendant 15 jours- 1 mois pour développer son business, ou la production de leurs collections.» Toujours dans cette optique, Pauline gère également deux appartements en face de Scarlette pour les très longs séjours.
La clientèle est plus occidentale qu’indienne, même si ces derniers sont attirés par le mix entre antiquités indiennes et européennes et bien sûr, la fameuse French touch.
Autre type de clientèle : les touristes qui s’arrêtent pour leur première nuit à Delhi. «Au début ils sont super excités à l’idée d’avoir un diner indien, s’amusent du manque d’eau chaude. Au bout de 15 jours, quand ils reviennent pour leur dernière nuit à Delhi avant le départ, ils n’en peuvent plus du chai. Ils veulent du bon pain, une climatisation qui marche sans faire de bruit. Bref, ils veulent de l’européen.»
Un mix également côté cuisine
Finalement, Pauline n’a pas eu à choisir entre hôtellerie et restauration. Scarlette assure les petits déjeuners et les diners qui mixent cuisine française et indienne. Trouver un cuisinier n’a pas été de tout repos : « Il faut une certaine sensibilité pour qu’ils comprennent ce que l’on veut.»
Mais la question est aujourd’hui résolue grâce à un cuisinier partagé. «Lucie et Catherine Barbier, du concept store Les Parisiennes ont lancé un petit café pour le déjeuner. Moi j’avais besoin de quelqu’un pour s’occuper du diner. Gros avantage : c’est un Indien qui parle français.»
Rien de particulièrement recherché cependant : «J’ai vite appris qu’il fallait faire de la cuisine très simple : on est là pour gagner de l’argent, les matières premières sont difficiles à trouver et ne se gardent pas bien. Il n’y a pas de carte. On ne propose que les produits frais du marché du jour.»
Les petits déjeuners sont continentaux: Œufs brouillés, à la coque, brioche fraiche tous les matins et confiture maison. «Au départ, ça amuse les Occidentaux d’avoir des chappatis au petit déjeuner mais pas pendant 15 jours non plus.»
Pourquoi aller chez Scarlette ?
Un emplacement pratique
«J’ai choisi la maison, plus que le quartier» reconnaît Pauline. Certes, Scarlette est facilement accessible depuis l’aéroport. Le quartier est très calme, loin de l’agitation incessante de Delhi, mais pour qui veut sauter rapidement dans un rickshaw pour aller diner, ce n’est pas l’idéal.
Une présence française
Cela ne décourage pas les clients qui, selon Pauline, recherchent une présence française. Ils veulent «pouvoir discuter. Soit je suis là, soit c’est Elisabeth, qui habite dans la maison.» En Inde depuis 6 ans, Elisabeth travaille dans une agence de voyages et s’occupe des arrivées le matin et le soir, tandis que Pauline assure une présence dans la guest house pendant la journée. « On travaille comme des associées. Elle connaît bien la partie culturelle de l’Inde, les temples à voir… moi, ce sont plutôt les adresses de restaurants, de déco pas trop touristiques, pour des souvenirs, des pashminas. Nous sommes assez complémentaires. »
Le truc en plus
C’est un boutique-hôtel rappelle Pauline, «donc je vends tout ce qui est dans la maison.» Elle a également installé un petit corner avec des pashminas et d’autres objets trouvés au gré de ses ballades, des objets typiquement indiens. «On trouve de tout en Inde. Du bon et du moins bon. Mes pashminas sont chers mais je ne sélectionne que des produits de qualité. Au moins, les clients qui n’ont pas eu le temps de faire du shopping sont sûrs du produit. J’ai des verres à chai, de jolis objets de bonne qualité et qu’ils ont vus pendant leur séjour en Inde mais qui sont difficiles à trouver, à part dans Old Delhi.»
Pauline a également lancé de petits objets : coussins, oreillers, tabliers sous la marque Scarlette et qui plaisent de plus en plus.
Une double vie…
Pauline retourne régulièrement «prendre l’air à Paris». Car il n’y a pas que Scarlette dans sa vie. Elle travaille toujours dans la production de style, le sourcing. «J’en ai besoin pour l’inspiration. L’un ne va pas sans l’autre. Et en plus cela m’amène des clients».
Car, pour Pauline, l’Inde incite à tenter sa chance «Ici, on a envie de faire plein de choses. Entreprendre, cela représente pas mal de défis, mais les choses vont vite ici. Plus on a des challenges, plus on a envie d’en avoir.»
La solidarité entre entrepreneurs
Et pour cela, on peut compter sur le réseau des entrepreneurs français en Inde, le CEFI : «C’est très intéressant de voir ce que les autres font. Il y a de tout. J’aime bien écouter et savoir ce qui se passe ailleurs.». Échanges qui ont permis à Pauline d’engager une collaboratrice indienne pour s’occuper de toute l’administration, la bête noire des entrepreneurs en Inde. Même chose pour le comptable. Sans compter les échanges sur les évolutions législatives : «Le service tax a augmenté et on en a tous parlé (tu préviens les clients ? quand est-ce que tu le mets en place ?…) c’est sympa.»
Mais pour Pauline, les choses ne vont pas tellement plus loin. « Je n’ai pas de vision sur le long terme. Je travaille au jour le jour, sans faire un plan sur plusieurs années. Je fais ça avec le cœur car j’aime ce pays. Mais je ne veux pas être bloquée ici.»
En tout cas, une chose est sûre, jamais la France n’aurait offert de pareilles opportunités. «Ici, les choses vont super vite grâce au bouche à oreille, il y a moins de concurrence. De plus, ajoute Pauline qui refuse de faire les choses « à l’indienne », le fait d’être étranger apporte une vraie valeur ajoutée.»