Arkadin India, un partenariat franco-indien

Comment réussir un partenariat franco-indien ? Managing director d’Arkadin India, Pankaj Gupta explique comment une société, d’origine française, a pu réussir sur le marché difficile qu’est l’Inde. Arkadin India est aujourd’hui présent à New Delhi, Bangalore, Mumbai, Pune, Chennai et Hyderabad.

Arkadin (NTT Communications) est le numéro 3 mondial des services collaboratifs : avec un réseau de 53 centres opérationnels répartis dans 32 pays, il répond quotidiennement aux besoins de ses 37 000 clients.

Pour réussir en Inde, il faut y être né

Avant de faire des affaires en Inde, explique Pankaj Gupta, il faut être très conscient des cultures, des différences locales. La langue est différente, les comportements sont différents. Pour réussir en Inde, il faut y être né. Les choses changent très vite, le contexte est en évolution permanente et seule une personne qui y a grandi comprend ces changements.

Un Français qui viendrait seul en Inde pour monter une société rencontrerait d’énormes difficultés. C’était l’un des points essentiels pour Olivier de Puymorin, le président et fondateur d’Arkadin : impossible de se lancer sans travailler avec des Indiens. Dans d’autres pays comme la Grande-Bretagne, les États-Unis, Hong-Kong…, on peut envoyer des étrangers pour diriger une société sur place. En Inde, comme en Chine d’ailleurs, c’est impossible de travailler sans partenariat local.

Pankaj Gupta Arkadin India managing director

Pankaj Gupta dirige Arkadin India

Il est essentiel que la personne qui dirige l’entreprise sur place connaisse parfaitement la culture du pays, voire de l’État indien dans lequel elle travaille – les différences culturelles pouvant être notables entre le Karnataka et le Gujarat, ou entre le Maharashtra et le Bengale… – et qu’elle ait un réseau local. De cela dépend son leadership. Et dans les affaires, cela fait une très grande différence.

Une même vision du business

Le partenariat entre Pankaj et Olivier a fonctionné, car ce sont tous deux des entrepreneurs. En 1999, Pankaj a monté une société d’édition de logiciels, puis une société de visioconférences, Conferindia. Il a rencontré Olivier de Puymorin en 2007 qui lui propose de racheter Conferindia -qui devient Arkadin India- tout en lui laissant cependant la direction de l’entreprise.

Une grosse société américaine avait déjà fait à Pankaj une proposition de rachat. Mais il a préféré l’offre d’Olivier, car « nous partageons les mêmes valeurs et avions envie de travailler ensemble ».

Dès le début, les choses ont été clairement établies : Pankaj était un partenaire à part entière. il a toute latitude pour conduire Arkadin India comme une entreprise indépendante.

Faire connaître Arkadin en Inde

Diriger Arkadin India n’est pas un simple job : pour Pankaj, c’est son entreprise, mais elle bénéficie désormais du soutien d’un groupe important.

La visioconférence est un petit marché, qui n’a pas pour habitude de faire de la publicité. Et il n’est pas facile de lancer une marque inconnue en Inde. Au téléphone, les gens confondaient Arkadin avec Alcatel.

Pour faire connaître Arkadin, Pankaj s’est concentré sur le marketing : Arkadin participe à des événements importants, est présent dans les médias, remporte des prix. La société travaille aussi avec de gros clients, afin de gagner en visibilité et en attractivité…

« Nous attachons beaucoup d’importance au service client : nous sommes disponibles 24h/24, dans toutes les langues régionales », précise le jeune directeur. Concernant les innovations techniques, chaque lancement est préparé de façon locale. Les Indiens ont une bonne intelligence de la technologie, aussi faut-il faire preuve d’une extrême réactivité, car tout le monde veut les dernières nouveautés très vite. Enfin, c’est le principe en Inde, il faut avoir des prix très compétitifs.

Ne pas avoir peur de travailler avec l’Inde

Avant de rencontrer Olivier de Puymorin, Pankaj avait mené des projets essentiellement avec les États-Unis et la Grande-Bretagne. Il lui semblait alors que les Européens étaient plus conservateurs, moins ouverts d’esprit que les Américains, qui se montraient plus enclins à l’expérimentation. La langue était aussi un facteur important de business, l’anglais étant un avantage pour les pays qui souhaitaient nouer des relations avec l’Inde.

Aujourd’hui, les choses sont différentes et la compréhension transculturelle plus forte.

Selon Pankaj, il n’est pas plus difficile pour des Français de faire des affaires en Inde que pour des Indiens de faire des affaires en France. Chaque pays a ses propres complications, ses propres codes et son mode de fonctionnement. L’Inde est gigantesque, en perpétuel mouvement, les difficultés semblent à sa démesure. Pourtant, le pays reste plus accessible que la Chine…

D’où la nécessité d’avoir un partenaire local. C’est indispensable. Et comme le pays a une population immense, très instruite et très bien formée, il faut prendre le temps de rechercher les bons collaborateurs. On trouve en Inde les meilleurs professionnels : dévoués, motivés, ambitieux, intelligents. Avec eux, on peut faire croître une société et faire progresser ses affaires.

Cela demande de la patience, beaucoup de patience. Au début, ce n’est jamais facile et il faut se préparer à affronter une somme d’inefficacités. Mais une fois que ces obstacles sont franchis, les choses se font, tout simplement, et l’Inde représente alors une opportunité fantastique.

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Entreprendre au service des célibataires

Avant d’organiser des soirées pour les célibataires et les expatriés de Bombay, Reemma Dalal savait combien il peut être compliqué d’entreprendre en Inde. Elle a, pendant plusieurs années, aidé des entreprises françaises à s’implanter dans son pays, avant de sauter le pas et de devenir elle-même entrepreneur.

Aider les entreprises françaises à s’implanter

Remma Dalal cofondatrice des soirées pour célibataires

Remma Dalal cofondatrice des soirées pour célibataires

C’est lorsque j’étais étudiante à l’Alliance française que j’ai vu une annonce pour la mission économique du consulat français. J’ai postulé et pendant 6 ans, j’ai travaillé comme attachée sectorielle pour aider les sociétés françaises à s’implanter ou à entreprendre en Inde. Mon rôle consistait aussi bien à mettre en place des rencontres avec des sociétés indiennes et à superviser des événements qu’à rédiger des newsletters pour donner des infos sur le marché indien ou à organiser des rencontres avec des partenaires potentiels. Bref, il s’agissait de travailler concrètement à l’implantation de sociétés françaises parmi lesquelles… Chanel.

J’ai continué dans ce secteur pour la chambre de commerce indo-italienne, puis pour Option International, un agent qui accompagne les entreprises françaises en Inde en les aidant à trouver marchés et projets adaptés.

 

Les Français ne peuvent imaginer les problèmes en Inde…

Puis j’ai été embauchée par Muzeo, un client d’Option International, qui a décidé d’ouvrir un bureau en Inde.

Nous avons mené une douzaine de projets en Inde pendant 2 ans. Pourtant, même pour moi, ce n’était pas facile : les fournisseurs augmentaient les prix à chaque livraison. Nous devions sans cesse négocier avec eux. Les livraisons étaient toujours en retard. Les clients, principalement des hôtels, ne payaient jamais en temps et en heure. Je me rappelle que sur l’un des projets, le client n’a payé qu’au bout de 3 ans.

Les Français ont un marché très organisé. Ils ne peuvent imaginer le genre de problèmes auxquels ils risquent d’être confrontés en venant ici. Et il n’y a jamais moyen d’anticiper.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Muzéo a fini par jeter l’éponge. Pourtant, c’est dommage qu’ils aient abandonné : l’entreprise avait des clients fidèles comme le Radisson, le Marriot. Elle avait su se construire une bonne réputation. C’est peut-être ce qu’il y a de plus difficile, en Inde : créer une image et inspirer confiance. Mais le CEO a estimé que le bureau n’était pas assez rentable et il l’a fermé. Nos clients n’ont pas compris : c’était précisément le moment où nous arrivions à avoir davantage de projets.

Une nouvelle offre pour les célibataires

Le saut vers l’entrepreneuriat s’est fait naturellement : je sortais beaucoup, notamment avec une amie, Jemma, qui est devenue mon associée. Nous nous sommes rendu compte, en discutant, qu’il n’y avait pas de soirées pour les célibataires âgés de 30 à 40 ans. Tout était fait pour les plus jeunes.

Jemma cofondatrice de Mix & Mingle au service des célibataires

Jemma cofondatrice de Mix & Mingle au service des célibataires

Alors nous avons organisé une première soirée, pour voir comment ça passait. C’était en juin 2013. Indiens et expatriés, 55 participants sont venus, âgés de 35 à 50 ans.

Ça nous a donné envie de continuer : avec Mix & Mingle, nous organisons deux fois par mois des soirées pour les 30-50 ans, mais aussi pour les plus de 50 ans (bon ça, nous avons arrêté : mais il n’y avait pas assez de monde et à chaque fois, les participants négociaient le prix d’entrée), pour les 25 à 35 ans et pour les moins de 20 ans. Chaque fois, nous avons 50 à 70 personnes. Nous avons un one-to-one dating service pour aider les plus timides à sortir de leur coin. Depuis le début de Mix & Mingle, 7-8 couples se sont formés, dont un (un couple de Français) grâce au one-to-one dating service.

L’idée est de rencontrer quelqu’un, mais aussi d’élargir son cercle d’amis. Nous accueillons surtout des cadres supérieurs, des entrepreneurs. Avant de l’inscrire aux soirées, nous rencontrons chaque nouveau participant. Avec les femmes, pas de problèmes, mais avec les hommes, il faut s’assurer que leurs intentions sont sérieuses.

Il ne s’agit pas d’aller contre les traditions, mais d’offrir aux jeunes un nouveau mode de rencontre. Cela a bien fonctionné : des journaux comme l’Hindustan Times, le Mumbai Mirror ou encore la presse féminine indienne ont parlé de nos soirées. Et chaque événement est annoncé sur les réseaux sociaux, comme Facebook, Meet Up ou Events Page.

Des soirées pour les expatriés

une soirée célibataires by Mix & Mingle

une soirée célibataires by Mix & Mingle

Nous organisons aussi, une fois par mois, des soirées à l’occasion d’événements comme St Patrick’s Day ou la Oktober Fest, ou des fêtes nationales pas vraiment connues en Inde. Y viennent autant d’expatriés que d’Indiens. On envoie une invitation aux consulats, aux chambres de commerce, aux associations d’expatriés. Et là aussi, nous avons pas mal de succès.

Quels conseils pour qui veut se lancer en Inde ?

Tout dépend du type de business. Je pense qu’avant tout, il faut faire attention avec qui on s’associe.

Pour monter un business, avoir un bon réseau est indispensable. Pour nous, en tout cas, c’est ce qui a marché. Il faut aussi trouver le bon comptable, celui qui sera capable de bien expliquer comment fonctionnent les taxes, ce qu’il faut faire. Chez Muzeo, le comptable n’était pas très bon. Celui de Mix & Mingle et Salt & Pepper est bien plus efficace.

Comme pour tous les business, il faut une vision à long terme et de la passion. Le marché indien est compliqué… mais avec beaucoup de patience, ça marche !

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Narendra Modi : vraies réformes ou simples promesses ?

On a beaucoup parlé de Narendra Modi, le nouveau Premier ministre indien, de ses succès au Gujarat, de ses zones d’ombres.

Au pouvoir depuis le printemps 2014, cet homme mystérieux et solitaire a été élu sur la promesse de réconcilier l’Inde avec une croissance forte. Pourtant, les réformes promises, que le monde des affaires attend avec impatience, tardent à arriver.

Peut-être le 28 février ? Ce jour-là, le gouvernement de Narendra Modi présentera, pour la première fois, un budget sur une année complète. C’est, traditionnellement, le moment choisi par les gouvernements pour annoncer les grandes réformes. Le Premier ministre saura-t-il convaincre les entrepreneurs indiens… et les autres, parmi lesquels les Français ?

Un Premier ministre élu dans l’enthousiasme

L’élection de Narendra Modi doit, certes, beaucoup à une réaction de rejet massive du parti du Congrès, gangrené par les scandales de corruption. Mais le Premier ministre est également parvenu à susciter l’enthousiasme. « Il y a eu une prise de conscience politique de la part d’électeurs qui ne votaient plus depuis 15 ans », explique Florence Germain, à la tête, avec son mari Denis, de Birdy Exports, à Bangalore. « Les Indiens sont fins connaisseurs en politique : ils n’ont pas voté pour Modi ou son parti, mais pour un homme qui a eu du succès dans son État », estime Richard Holkar, propriétaire de la guesthouse de luxe Ahilya Fort.

Ceci dit, la majorité de Modi reste relative : « In fine, explique Denis Germain, les suffrages en sa faveur ne représentent que 33 % des voix. » N’empêche, ce résultat lui a assuré la majorité à la Chambre basse (Lokh Sabah).

Narendra Modi a réussi à accrocher les Indiens : « J’ai lu son livre, je crois en lui à 100 % et rien ne pourra me faire changer d’avis », affirme Vivek Sagar, un entrepreneur de Delhi. C’est un excellent communiquant qui a su convaincre les Indiens qu’il allait appliquer à toute l’Inde les recettes qui ont réussi au Gujarat. « Depuis son accession au pouvoir, remarque Patrick de Jacquelot, correspondant des Échos dans la capitale fédérale, il a bénéficié de plusieurs éléments très positifs : baisse de l’inflation, alors que la hausse de l’inflation avait signé l’échec du gouvernement précédent, baisse des prix du pétrole, ce qui compte lorsqu’on sait que l’Inde est un gros importateur. »

Un gros point d’interrogation

Un contexte favorable est pourtant loin d’être suffisant. « Six mois après son accession, les milieux d’affaires sont dans l’expectative : ils attendent les réformes promises. Tout le monde croyait qu’il allait lancer des réformes de fond dès les 2 premiers mois et rien n’est venu », rappelle Patrick de Jacquelot. Un premier revers électoral du BJP, le parti du Premier ministre à Delhi pourrait sonner l’alarme.

« Modi, résume Baptiste Frérot, entrepreneur basé à Delhi, c’est encore un gros point d’interrogation pour les entrepreneurs. Tous les Indiens sont fans, mais pour le moment, il n’y a rien de concret. »

« Il a des idées, tempère Denis Germain, il a vu beaucoup de monde, il communique beaucoup. Mais il est très centralisateur et, paradoxalement, a un cabinet encore très restreint. Et il n’a pas ou peu de relais dans les États auprès des politiciens locaux. »

Sans oublier qu’en Inde, la moindre décision prend du temps avant de se concrétiser rappelle Harsh Shodan, à la tête de The Gourmet and Kitchen Studio : « Le gouvernement Modi a promis de réduire et de simplifier les normes, les licences, à l’échelle du pays entier. Cependant, ces réformes ne sont pas encore appliquées à l’échelle des petites entreprises, car le gouvernement central et les gouvernements locaux ont des lois (et des objectifs) différents. Les États veulent aller dans le détail des pratiques, alors que le gouvernement fédéral veut, au contraire, simplifier la législation. »

Lancement de la campagne Make in India

Lancement de la campagne Make in India

Réussira-t-il à convaincre les entreprises étrangères de (re)venir en Inde ?

Lancée en grande pompe en septembre, la campagne « Make in India » a pour objectif de convaincre entreprises et industries du monde entier d’investir et de produire en Inde, c’est-à-dire dans un pays qui, encore aujourd’hui, importe une grande partie de ses biens de consommation. « Le graphisme est ultra léché, le lancement s’est fait en fanfare, mais pour le moment, c’est de la publicité pure qui manque de contenu », estime Patrick de Jacquelot.

Il faut bien commencer quelque part. « “Make in India”, c’est une campagne crédible, mais il faut être patient, considère Alexandre Ramat, qui dirige une usine d’équipements de réseaux électriques à Pune, attendre que les projets d’infrastructures redémarrent. C’est une période un peu difficile à traverser, nécessaire pour sortir de ce cercle vicieux : sans infrastructures adéquates, on ne fait rien. Ou alors, on fait en sorte que les choses démarrent et c’est ce qui est en train de se produire. »

Les prévisions sont d’ailleurs au beau fixe. Selon la Banque mondiale, l’Inde dépasserait la Chine dès 2017. Pour PriceWaterhouse Cooper, le pays serait en 2e position en termes de pouvoir d’achat en 2050.

C’est également l’avis d’Alexandre Ramat : « D’ici une dizaine d’années, l’Inde pourra faire partie des pays les plus importants, être membre du G20. Mais pour cela, elle doit améliorer les infrastructures, résoudre la question énergétique et investir dans le traitement de l’eau, des chantiers majeurs et nécessaires pour le pays. Il faut créer une prise de conscience. Or les Indiens sont très intelligents, il suffit de voir le nombre impressionnant de chefs d’entreprises pour en être convaincu. Cela prendra du temps, mais à partir de là, le pays connaîtra une croissance incroyable. »

En fin de compte, selon Laura Prasad, directrice de l’IFCCI, tout reste à venir : « On attend de voir comment cela se concrétise. Après “Make in India”, Narendra Modi parle de “Digital India”, de e-gouvernance pour faciliter les transactions administratives en ligne, améliorer la transparence. Si cela aboutit, ce sera extrêmement positif. »

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