Un immense laboratoire où se dessine le monde de demain, telle est l’Inde que connaissent Nicolas Miailhe et Brune Poirson.
Un laboratoire où se dessine le monde de demain
Passionnés par ce pays où ils ont vécu et travaillé pendant une dizaine d’années, ils ont fondé Sisyphos, un groupe de réflexion visant à promouvoir des partenariats franco-indiens autour de la compréhension et de l’exploitation des nouvelles technologies. « Les problèmes d’éthique qui se posent en Inde et en France sont les mêmes. Or l’Inde est un laboratoire. Il faut suivre ce qui s’y fait car c’est là que se créent les moyens de demain » explique Nicolas, aujourd’hui en Master of Public Administration à la Harvard Kennedy School of Government.
A leur actif, ils sont à l’origine de la rencontre entre Sam Pitroda, entrepreneur de génie à l’origine de la révolution des télécommunications en Inde et l’ancien ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine. De cette rencontre est né le think tank People for Global Transformation qui rassemble une quinzaine de personnalités, réfléchissant à des recommandations politiques innovantes sur le développement urbain du 21ème siècle.
Une nation d’entrepreneurs
« Le secteur formel, soumis aux régulations et à la législation de l’Etat ne représente que 8% de l’économie indienne. Tout le reste vient du secteur informel, et de ces centaines de milliers de petites entreprises familiales, qui font vivre les familles et les communautés. Les Indiens sont des entrepreneurs-nés. Ils se diversifient et il n’est pas rare qu’ils gèrent plusieurs affaires en même temps. Cela se retrouve à tous les niveaux, jusque dans les multinationales comme Tata, acteur mondial de l’industrie automobile comme des télécoms » rappelle Nicolas Miailhe
Et une administration … pesante
Si les entrepreneurs français se plaignent régulièrement de l’administration, les Indiens, eux, cherchent par tous les moyens à éviter de s’y confronter et pallient en privé les défaillances du système. « Les Indiens ont une expression, in spite of the government, pour exprimer leur résignation face à l’incompétence mais aussi la puissance du gouvernement » explique Nicolas Miailhe. « C’est pourtant le gouvernement qui a éradiqué la famine, qui a mené la Révolution verte et qui alphabétise les populations ».
L’arrivée au pouvoir de Narendra Modi est un signal encourageant pour les entrepreneurs. Le Premier Ministre a axé sa campagne sur le développement du Gujarat qu’il a gouverné pendant plus de 10 ans, où il n’a cessé d’attirer les entreprises. « Même si le Gujarat a toujours été un état avancé en Inde, Modi a mené un bon travail de développement. Il est à l’écoute des milieux économiques.».
Des défis gigantesques à la mesure du pays
Et tout d’abord celui des infrastructures : la mauvaise qualité des routes, de la distribution de l’eau ont un coût élevé, notamment pour les entreprises. Si certains Etats cherchent à améliorer leurs infrastructures, tous ne font pas cet effort : « L’Inde est un Etat fédéral, et dès que des élections approchent, tout s’arrête » explique Brune Poirson. « Sans oublier que la société civile est très réactive, par exemple sur les questions d’environnement. Les populations, les associations sont capables de ralentir de nombreux projets ».
Autre défi de taille : l’éducation. Chaque année, des millions de jeunes arrivent sur le marché du travail. Le défi est de les former en amont, et bien, car l’économie a besoin de compétences. Pour Sam Pitroda, l’éducation en Inde est à réinventer et à adapter à la réalité indienne grâce aux nouvelles technologies notamment : chacun peut avoir accès au savoir, grâce à internet. L’enseignant n’est plus là pour dispenser le savoir, mais accompagner l’apprentissage.
La formation professionnelle n’existe pas, ce sont les entreprises qui se chargent de former leurs employés. Ainsi, quand Accor est arrivé en Inde, il a d’abord sous-traité la formation des employés au groupe Tata, propriétaire notamment des Taj Hotels Resorts and Palaces, qui possède sa propre école hôtelière.
Les limites du fédéralisme
Être la plus grande démocratie du monde comporte quelques inconvénients : difficile de concrétiser les initiatives au niveau national comme la « good and services tax », sorte de TVA à l’état de projet depuis des années. En attendant, persistent entre Etats des barrières tarifaires et le système fiscal est loin d’être unifié.
Les licences nécessaires pour exercer une activité peuvent varier d’un Etat à l’autre. Tout cela complique singulièrement la vie des entreprises qui veulent s’installer en Inde. Une seule solution s’impose : trouver le bon partenaire, qui comprenne exactement ce que vous voulez faire, vos besoins, afin de mettre en place le meilleur partenariat possible (co-entreprise, transfert de connaissances/de technologies…).
Pour Nicolas Miailhe, les mutations actuelles en Inde préparent le monde de demain: « C’est un immense laboratoire. Avec le ralentissement de la croissance, l’Inde est en crise, elle veut se réinventer. Mais elle le fera de manière innovante ».