Rebondir en Inde, c’est possible : Baptiste Frérot, fondateur de LaserGame, l’a fait. En but aux pires difficultés pour introduire le laser game en Inde, ce jeune entrepreneur est parvenu à rebondir et même à se lancer dans une nouvelle entreprise, Planet Ride.
Un concept nouveau en Inde
Baptiste Frérot a découvert l’Inde à l’occasion d’un stage, pendant des études en management hôtelier, dans un réseau de guesthouses de luxe monté par deux jeunes entrepreneurs français. Son diplôme en poche, il retourne en Inde pour travailler au développement de leurs hôtels.
Face à l’indigence de l’offre de divertissements destinés aux jeunes Indiens des grandes villes, « nous avons eu l’idée d’ouvrir des centres de laser game, concept qui n’existait absolument pas en Inde ».
Toutes les galères possibles
Baptiste ouvre donc, il y a 3 ans et demi, le premier centre de laser game en Inde… aujourd’hui fermé. « Nous avons eu toutes les galères possibles », explique le jeune entrepreneur.
La première étant, pour des Européens, de s’adresser au marché indien. Avec un concept tout nouveau, par dessus le marché! Nombre d’entrepreneurs étrangers en Inde qui marchent bien s’adressent à des consommateurs étrangers. Lorsqu’il s’agit de toucher une clientèle majoritairement indienne, c’est une autre aventure. « Nous n’avions absolument pas anticipé la question culturelle du comportement d’achat des Indiens. Pour eux, on ne paie pas pour un service. On paie pour un objet, pour avoir du concret en main. Nous étions confrontés à un double challenge : proposer un nouveau service et nous faire payer pour ça. »
L’entreprise croyait pouvoir faire face en proposant des prix très compétitifs : « Notre jeu était 50 % moins cher qu’à l’international (en gros, 5 euros au lieu de 10 euros ailleurs). Or les clients ne jouaient que pour 3 €. »
Autre challenge, la communication. Au départ, l’équipe lance une campagne de marketing classique pour une entreprise occidentale : campagnes de pub, radio…« La pub en Inde est très différente de ce qu’on voit en Europe : il n’y a pas d’humour, ce sont des concepts bateau qui durent des heures et font référence à la famille… »
L’emplacement pose rapidement problème.« Nous avons cru que le concept ferait tout et nous avons ouvert un premier centre dans un endroit un peu reculé de Delhi, qui avait l’avantage d’être un peu moins cher et de nous offrir l’espace dont nous avions besoin. C’était une erreur. Les gens ne venaient pas. »
Rebondir sur de nouvelles bases
«Un Néerlandais, Tjaco Walvis, installé depuis 20 ans en Inde, nous a expliqué comment réfléchir pour qu’un nouveau produit soit accepté sur le marché indien et qu’il ait un vrai potentiel. D’abord, diviser son prix par deux par rapport aux prix à l’international tout en ne baissant de qualité « que » de 30 %. Avec un bon marketing, bien adapté, il peut se vendre. Certes, les marges sont moins élevées, mais le potentiel du produit est tel sur un marché aussi énorme qu’on peut s’y retrouver. Si on ne parvient pas à trouver ce modèle, il faut oublier l’Inde. »
Des coûts faibles, sans renoncer à la qualité pour autant « et un packaging à l’Indienne: il faut que ça brille, qu’il y ait des couleurs, du Bollywood », ajoute Baptiste Frérot. C’est avec ces quelques pistes que Laser Games se remet en selle.
Tout d’abord en changeant d’emplacement
Le nouveau centre a ouvert à Patiala (Punjab) dans un centre commercial. « Ça marche mieux et le loyer varie en fonction du chiffre d’affaires. Nous avons lancé des franchises. L’une a ouvert à Hyderabad : grâce à notre expérience, c’est plus facile de convaincre les gens de passer par nous pour ouvrir une franchise ».
La communication est également revue, avec un nouveau vecteur : les ambassadeurs. «Nous avions beaucoup de clients qui venaient régulièrement, sans en parler autour d’eux. Nous avons décidé d’optimiser le bouche-à-oreille : nos meilleurs joueurs âgés de 15-20 ans sont chargés de vendre des tickets. En échange, ils obtiennent 15 à 20 % du prix de vente. Ça nous permet de nous concentrer sur une clientèle existante, et de toucher directement ceux qui peuvent être intéressés. »
Pour Laser Game, rebondir passe par le lancement d’un nouveau concept : le laser game mobile. « Louer un centre coûte cher, l’équipement coûte cher… bref, avec les laser game mobiles, la structure est plus légère. Nous n’avons plus besoin de payer un loyer, ni l’électricité ».
Réussir à convaincre les investisseurs
Laser Game est parvenu à l’équilibre l’été dernier. Mais de l’aveu de Baptiste, trouver des investisseurs n’a pas été une sinécure. D’une part en raison du positionnement : « Beaucoup de gens qui ont de l’argent à investir en Inde – les business angels, les investisseurs… – sont axés sur les web start up. Nous sommes en marge. Nous avons eu beaucoup de rendez-vous, d’interminables négociations. Il s’agissait de les persuader du bien fondé du concept. Ça a été long mais ça a fini par prendre. »
Ce qui a convaincu les investisseurs ? « L’équipe, le projet. Nous avons une bonne réputation, un business model sérieux et des études de marché bien faites. Nous nous sommes beaucoup appuyés sur notre réseau. Le projet a un vrai potentiel, sinon nous aurions abandonné. Or cela fait 3 ans et demi que nous travaillons dessus. Il y a quelque chose et les investisseurs l’ont senti. »
Le dernier investisseur est entré à la fin de l’été 2014 et Laser Game est opérationnel depuis fin décembre.
Un nouveau projet à suivre : Planet Ride
Un autre défi attend maintenant Baptiste. Avec Alex Le Beuan et Alex Zurcher, il vient de lancer Planet Ride, une agence de voyages en ligne spécialisée dans les road trips, partout dans le monde.
Si le projet est incubé en Inde, chez Vintages Rides, qui est également un partenaire, il sera monté en France. « Ici, pour créer un business en web service, on est obligé d’avoir un partenaire indien à 51 %, explique Baptiste. De plus, nous avons besoin d’une licence d’agent de voyage mais surtout de créer notre crédibilité, notre légitimité. En France, nous pouvons générer cette crédibilité plus facilement qu’en Inde. »
Créer une PME en Inde, ce n’est pas si facile
« Tant qu’on est une start-up, on peut toujours bidouiller, régler les taxes discrètement. Mais à partir du moment où une PME commence à avoir un revenu conséquent, elle rentre dans le radar de l’income tax. Et là, il faut être en règle. »
Au final, les PME ont des charges très importantes. Faire du business en Inde coûte cher, embaucher des gens capables et bien formés aussi.
« Se structurer en Inde comme PME est difficile et prend du temps. Il faut déjà avoir, dès le lancement, une vision claire sur la structure finale, conseille Baptiste, et de savoir quelle est la logique de développement de la boite qu’on monte. »
Avant de tenter quoi que ce soit sur le marché indien, il faut absolument y passer du temps. Et Baptiste d’insister : rencontrer des entrepreneurs, des clients, des investisseurs, comprendre le marché. « Car c’est clair : aujourd’hui, le marché indien fait rêver tout le monde ».