Une Française qui ouvre une yoga house en Inde ! C’était osé, mais Maud Chuffart n’a pas froid aux yeux. Elle l’a fait. Son objectif : partager sa passion pour le yoga!
De la passion du yoga au business
Vivre de sa passion
Abandonnant une prometteuse carrière dans le conseil, sa passion pour le yoga conduit Maud Chuffart en Inde. Au départ, son but est d’approfondir sa pratique et sa connaissance.
Mais « le bon sens économique me disait que si je voulais monter quelque chose, ce serait plus intelligent de le faire dans un marché émergent, dynamique plutôt qu’en France: il y a déjà 60 studios de yoga à Paris et plein de restos healthy. Et puis je me suis demandée ce que je pouvais apporter, moi une Française, au pays du yoga et aux Indiens… ». Par exemple, des concepts pas ou peu exploités en Inde. « C’est un pays plus jeune, plus frais, et il y a moins de concurrence à ce niveau là », insiste Maud. C’est ainsi qu’est née la Yoga House.
Mais pourquoi l’Inde ?
« Tu débarques en Inde avec une idée claire en tête, affirme Maud. C’est un pays intense, tu n’y vas pas par hasard. » C’est aussi un pays émergent… ce qui signifie beaucoup d’opportunités, « mais ce n’est pas non plus le pays le plus facile pour des Français ».
Un nouveau concept dédié au yoga
Répondre à un manque dans la pratique du yoga
Stress, bruits, des habitants qui vivent à 100 à l’heure : vivre à Bombay n’est pas de tout repos. Il y a surtout des instituts traditionnels et historiques, qui existent depuis des années qui proposent de pratiquer le yoga hors de chez soi. « Ils ont une certes une âme, mais leur fonctionnement et leur organisation ne sont pas tellement adaptés au mode de vie citadin, que ce soit au niveau des horaires, des tarifs et des services proposés », remarque Maud. « Or les gens ont besoin de bien-être, de prendre soin d’eux. »
Loin du stress de la ville
La Yoga House, c’est donc un lieu alternatif pour pratiquer le yoga : « J’ai cherché une petite maison, avec beaucoup de verdure, des espaces ouverts. Il y a des cours le matin, le soir, les gens peuvent venir quand ils veulent. Les enseignants viennent de différentes traditions de yoga. » Studio pour les cours, restaurant, bar à jus et même boutique : autant de déclinaisons autour du yoga et de l’art de vivre sainement.
Un retour aux sources du yoga
« Ce sont les Indiens qui ont inventé le yoga. J’ai voulu respecter la tradition du yoga et intégrer l’enseignement dans un cadre agréable et attractif. »
Inutile de dire qu’on ne trouvera pas de cours de yoga mâtiné de pilates. « Commercialement, cela aurait été plus facile de répliquer ce type de modèle existant en Europe ou aux États-Unis. Les Indiens sont très friands de ce qui vient de l’Ouest. Or, en France, la pratique du yoga, dans la plupart des cas, se résume au travail physique. Cela attire les gens qui cherchent à faire du sport. La dimension théorique et philosophique, traditionnelle, elle, passe souvent à la trappe. » Ce n’est pas le cas des enseignants de la Yoga House qui viennent de différentes traditions : hatha, hatha vinyasa, ashtanga, iyengar…. Et avec des cours de 6h30 à 21h, le studio s’adapte à la vie trépidante des Bombayotes.
Des débuts un peu difficiles…
… dans un lieu différent de tout ce qui se faisait jusque-là en termes de yoga. Si les premiers élèves sont enthousiastes, peu de monde tente l’expérience. « Il a bien fallu 6 mois pour que les gens comprennent ce qu’on faisait. Il y a eu un travail d’explications. Nous devions nous assurer que tout soit lisible, rassurer etc… » Finalement, bouche-à-oreille aidant, la Yoga House attire de plus en plus de monde. « Je crois que les gens ont senti qu’il y avait un vrai respect de l’essence et de la nature du yoga et une passion pour le sujet. »
Une deuxième maison
Aujourd’hui, la Yoga House attire autant d’expatriés que d’Indiens, la plupart sont assez cosmopolites. Ils ont voyagé et sont curieux de découvrir de nouveaux concepts, une nouvelle ambiance « L’objectif était que les gens s’y sentent bien. Certains en font leur deuxième maison, voire leur première quand ils ont de tout petits appartements. C’est un lieu de brassage, les gens se rencontrent discutent. Pour moi, l’objectif est atteint. »
La Yoga House attire aujourd’hui un millier d’élèves par mois et sert environ 50 couverts par jour, le double pendant le week-end.
Le yoga, un non-sujet en Inde
Le concept de la Yoga House a beau être innovant… il n’intéresse pas la presse. Le restaurant, en revanche, si ! « Le yoga fait partie de la vie quotidienne et ce n’est pas un sujet très intéressant en Inde. Quand un journaliste m’interviewait sur le restaurant, j’essayais de le convaincre de faire quelque chose sur le yoga, mais il me répondait que cela ne rentrait pas dans sa section. »
Une cuisine pionnière
En revanche, la cuisine proposée par la Yoga House, elle, est un sujet à part entière : bio, végétarienne, fraîche, healthy, à base de salades, de légumes et de céréales bio, mixant sucré-salé. « La nourriture saine telle qu’on l’a à la Yoga House n’était pas très répandue à Bombay. Depuis qu’on l’a lancée, j’ai l’impression qu’on a fait des émules… C’est aussi parce qu’il y a une demande de ce côté. »
Maud vient également d’ouvrir d’autres classes, notamment à Colaba (au sud de la ville, non loin des quartiers d’affaires) et souhaite développer d’autres Yoga House, ailleurs en Inde.
Comment réussir son business en Inde ?
Énergie et détermination
Ce sont les maîtres mots, selon Maud, pour qui veut réussir en Inde. Et de l’énergie et de la détermination, il en faut vraiment beaucoup : « Il faut être prêt à déplacer les montagnes… savoir être tolérant, s’adapter tout en restant ferme. »
Penser à tout
Avant de monter sa boîte en Inde, il faut « tout explorer et être assez intelligent pour trouver le bon modèle ». Un modèle qui, en l’occurrence, s’adapte aussi bien à la clientèle visée qu’aux règles officielles et officieuses, qu’on découvre au fur et à mesure que le projet se met en place.
« Avant de te lancer, recommande Maud, il faut faire toutes les recherches possibles pour que ton business fonctionne : est-ce qu’il faut une licence ? Est-ce qu’il faut payer des institutions et lesquelles ? Il faut discuter avec des gens ayant déjà une expérience de l’Inde pour comprendre les ficelles.»
Tout dépend du business model et des besoins. Ainsi, à Bombay, ce ne sont pas tant les employés que la location d’un local qui coûte cher. Certains entrepreneurs s’en sortent grâce au profit sharing : pas de loyer, mais un pourcentage de leur chiffre d’affaires est reversé au propriétaire.
Le relationnel au dessus de tout
Émotionnel ou rationnel ?
C’est compliqué à comprendre pour un Occidental, pourtant, aussi bien les relations personnelles que d’affaires fonctionnent à l’affectif. L’émotionnel prend souvent le pas sur le rationnel. « Cela peut aller jusqu’à la manipulation émotionnelle, avertit Maud. Il faut comprendre comment travailler avec les émotions des uns et des autres. »
D’autant plus que le risque est de faire trop vite confiance… à tort. Pour Maud, il est nécessaire d’utiliser le rationnel, autant que possible, dès qu’il est question de business. « Plus les choses sont carrées, moins on court de risques de se faire avoir. Mais c’est compliqué de faire signer des papiers, des contrats ».
Gagner la confiance
Le relationnel, c’est aussi ce qui permet de gagner la confiance des gens… y compris dans le business. « On peut atteindre une qualité de relation et de confiance assez exceptionnelle qui facilitent beaucoup les affaires. Les employés peuvent faire preuve d’une fidélité et d’un dévouement remarquables et même touchante. La Yoga House, c’est un peu une grande famille… »